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LES DEUX COURONNES DE HENRI III. 39

monde souhaitait l’avoir pour maître ; à peine fut-il arrivé qu’on s’en dégoûta, jusqu’à augurer fort mal son règne. Il ne montait plus à cheval et passait ses journées enfermé dans un bateau peint qui le promenait doucement sur la Saône. L’étiquette de la cour fut profondément modifiée. Le roi ne mangeait plus qu’entouré d’une balustrade qui ne permettait pas de l’approcher. Il prenait des façons de satrape oriental et ne s’occupait plus que de futilités. Les seigneurs les plus braves abandonnaient cette cour efféminée où des parvenus humiliaient les vieux serviteurs de la royauté française. Les deux d’Angennes, Gaspard de Nançay, capitaine des gardes, ami de Charles IX, prirent congé du roi. Des prodigalités sans mesure, des caprices insensés, épuisaient le Trésor. Après deux mois d’inaction, passés à Lyon, quand le royaume était en feu, Henri consacrait six semaines aux momeries d’Avignon, avilissant sa dignité par le ridicule étalage de la douleur, peut-être sincère, – que lui causa la mort de Marie de Clèves, princesse de Condé, « qu’il aimoit éperdûment », dit l’Estoile. Tandis que le souverain de France s’affiliait aux confréries des Battus et des Flagellants, le maréchal de Damville, à la tête d’un corps protestant, prenait Aigues-Mortes, presque sous les yeux du roi, et organisait à Nîmes une sorte de république fédérative. Henri se décida entin à reprendre le chemin du Nord. Les pompes officielles du sacre de Reims ne réussirent pas à faire oublier la levée lamentable du siège de Livron, petite ville huguenote de la rive gauche du Rhône, devant laquelle vint se briser, en présence même du roi, tout le corps du maréchal de Bellegarde. « Assassins, criaient les assiégés aux