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analyse du lysis

pareillement, nous détestons parfois ceux qui n’ont pour nous que de l’amitié. Mais nous voici alors bien embarassés ; car l’ami, ce n’est, d’une façon générale, ni ensemble celui qui aime et celui qui est aimé, ni séparément chacun des deux (212 A-213 D).

§ 5II. Il sera bon, par conséquent, de rechercher si la ϕιλία ne repose pas sur quelque autre principe, si elle ne consiste pas dans quelque autre chose. — 1) Or précisément les poètes, auxquels on peut joindre quelques hommes très sages, qui ont écrit sur la Nature et sur l’Univers[1], prétendent que le semblable est toujours l’ami de son semblable. Mais comment l’homme injuste pourrait-il être l’ami de l’homme injuste, puisqu’ils se nuisent réciproquement ? En outre, les méchants sont changeants : étant sans cesse différents d’eux-mêmes, ils ne peuvent ressembler à autre chose. D’autre part, les gens de bien ne seront pas non plus amis les uns des autres en tant que semblables ; car on aime les gens en proportion de l’utilité qu’on espère (cf. 207 D-210 D, surtout 210 CD) ; or le semblable ne peut attendre de son semblable aucun avantage qu’il ne puisse tirer de lui-même. Le semblable n’est donc pas ami du semblable. — 2) Mais, dira-t-on, les gens de bien s’aiment peut-être en tant que gens de bien. À ce titre encore, c’est impossible, et pour la même raison ; car l’homme de bien se suffit à lui-même et n’a besoin de s’attacher à personne. La maxime est donc fausse à quelque point de vue qu’on l’envisage, soit qu’on se demande si le méchant peut être l’ami du méchant, ou le bon du bon (213 C-215 C).

§ 6III. Mais il en est d’autres qui disent, cette fois encore en harmonie avec les poètes, que le semblable est, inversement, l’ennemi de son semblable et que c’est le contraire qui est l’ami du contraire[2] Mais, s’il en était ainsi, la

  1. Empédocle. Voir les références dans Zeller, Ph. d. Gr., 14, 693, 2 [tr. fr. II, 213, 2]. Cf. cependant H. Raeder, Platons philosoph. Entwick., 155, I
  2. Héraclite. Cf. Zeller, op. cit., 595-600, surtout 596, 4 [tr. fr. II, 124-128 ; 125, 2].