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aussi leurs pièces sont généralement assommantes… pas d’intérêt, intrigue insuffisante, tirades horriblement fastidieuses, etc. ; sans clous, leurs vieilles pièces ne tiendraient pas ; nous voulons bien du classique de temps en temps, mais du classique mis au courant des progrès modernes, du classique perfectionné ! Le clou, voyez-vous, c’est le triomphe de l’art dramatique actuel !

— Et quels sont les clous des Horaces ?

— Il y en a cinq, un par acte ; voyons le programme…

1er clou. — Ballet imité de l’enlèvement des Sabines
Danses latines reconstituées d’après des documents découverts dans les fouilles de Tusculum. — Finale. — Les Romains enlèvent les jeunes filles d’Albe pour avoir des ôtages.

— Ce doit être joli, dit Barbe ; vite, papa, établissez la communication avec le Théâtre-Français !

— Le premier acte doit être joué, nous n’arriverons guère que pour le second clou.

— Dépêchons-nous alors ! »

M. Ponto établit rapidement la communication, et sur la plaque du téléphonoscope la scène de la Comédie-Française apparut, garnie d’une multitude de Romains et de Romaines ; au milieu, le vieil Horace, le chef majestueusement orné d’une chevelure et d’une barbe du plus beau blanc, proférait d’une voix également majestueuse les derniers vers du second acte.

LE VIEIL HORACE.
… Allez, vos frères vous attendent ;
Ne pensez qu’aux devoirs que vos pays demandent !

CURIACE, enfonçant son casque.
Quel adieu vous dirai-je ? et par quels compliments…

À ce moment, les figurants et les figurantes se rangent sur les côtés de la scène et les trois Horaces apparaissent casqués, le bouclier et la lance à la main gauche, le glaive au côté. L’orchestre, sous la direction du maestro Gustave Boirot, entame une marche guerrière sur les motifs de la Marseillaise.

« Le clou ! » dit tout bas M. Ponto à ses filles.