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Le Vingtième Siècle.

— Grâce ! « je t’aime ! s’écrie enfin la dompteuse domptée en tombant dans les bras de Colbichard. »

« Des salves d’applaudissements accueillent ce magnifique dénouement ; toute la salle est debout, le rideau se relève trois fois et Colbichard traîne sur le devant de la scène la dompteuse et le lion Gustave.
La belle Mme F..

« Dans les couloirs on pariait pour douze cents représentations. La Comédie-Française a bien fait de s’adjoindre ses quatre nouveaux pensionnaires. On s’occupe de faire répéter les rôles en double ; les lions seront difficiles à doubler ; on comprend dans quel embarras une maladie de Gustave mettrait la maison de Molière ; par mesure de prévoyance on a téléphoné à Tombouctou pour demander quelques lions de renfort. Leur éducation sera difficile et demandera du temps.

« L’auteur a promis de célébrer la millième par une fête babylonienne. Ne le plaignons pas, il va gagner un million et demi.

« Pendant les entr’actes, comme nous flânions dans les coulisses, nous rencontrons Gustave en train de fraterniser avec les machinistes. Nous lui dérobons une poignée de crins, sans qu’il daigne s’en apercevoir ; on pourra la voir demain exposée dans notre salle. On dit Mme Reynald furieuse. Après l’ovation à elle faite au premier acte, dans la scène de la toilette, elle a vu la faveur du public se porter surtout sur Gustave ; elle accuse les lions de faire tort à ses cheveux et à ses jambes sculpturales. Pourvu, grand Dieu, qu’on ne se donne pas de coups de griffes, entre étoiles, dans les coulisses de Molière-Palace.

« Le Monsieur de l’orchestre. »

Le téléphone se tut.

« J’ai eu bien peur ! fit Hélène, mais je comprends maintenant ; les journaux envoient les comptes rendus de théâtre à leurs abonnés par téléphone… C’est beau la science, c’est beau la littérature, mais je dormais si bien… »

Hélène remit son oreiller sur le traversin au téléphone et chercha