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chargent de tout cela, et elles simplifient même aU besoin les formalités quelquefois ennuyeuses de la cour. Tout est avantage. Sécurité, facilité, tranquillité ! Plus de demoiselles s’occupant, mornes et désespérées, à tresser les nattes de sainte Catherine, les agences trouvent toujours dans leurs collections de célibataires les âmes sœurs à elles destinées par le ciel.

On ne se marie donc plus guère que par l’intermédiaire des agences ou des journaux matrimoniaux. L’annonce matrimoniale est florissante ; outre les catalogues que les grandes agences publient à cent mille exemplaires à l’entrée de chaque saison, on affiche souvent des listes de partis exceptionnels ou même des portraits en chromotypie. L’association indépendante des pères de famille affiche ainsi, tous les ans, ses enfants masculins ou féminins parvenus à l’âge de s’établir. La plus importante de toutes les maisons matrimoniales, l’Agence universelle, a monopolisé, depuis de longues années déjà, les rideaux des principaux théâtres, tant à Paris qu’en province et à l’étranger. Chacun de ces rideaux est divisé en cent cinquante cases pour cent cinquante portraits accompagnés de quelques indications.

À Paris, les rideaux de l’Opéra, de l’Opéra-Comique et de Molière-Palace, où vont les demoiselles, sont affectés spécialement aux portraits des célibataires-hommes, tandis que les rideaux des Variétés, du Palais-Royal et autres théâtres légers sont réservés aux portraits des jeunes personnes à marier. Bien entendu, les demoiselles qui désirent un mari parisien ne sont affichées qu’à Paris, et celles qui souhaitent au contraire le calme des champs et la tranquillité de la vie de province ne paraissent que sur les rideaux d’annonces des petites villes.

L’Agence universelle est admirablement organisée. Elle se charge de produire les jeunes filles dans le monde et de leur trouver l’époux de leurs rêves. Le plus souvent, les pères de famille traitent pour trois mois à forfait ; pendant ces trois mois, la jeune fille reste à l’agence, soit dans les locaux superbes de Paris, un vaste et luxueux pensionnat où des fêtes charmantes réunissent presque chaque soir l’élite de la société, soit à la campagne dans les succursales, soit dans les villes d’eaux ou de bains où l’agence accomplit tous les ans, de juin à septembre, une tournée presque toujours triomphale.

Ce fut à l’Agence universelle que M. Ponto confia le soin de trouver un mari pour la pauvre Hélène.

« Ma chère enfant, dit-il à sa pupille en la conduisant au pensionnat