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réparation à la lumière électrique. À toute heure, des dépêches arrivent. Le téléphone de chevet de M. Ponto est rarement muet pendant soixante minutes, et souvent les dépêches nécessitent des réponses ou des ordres urgents. Dans sa chambre à coucher, Hélène reçoit les mêmes dépêches ; son tuteur lui a recommandé d’écouter avec attention les communications du téléphone pour se tenir au courant de la marche des opérations an Parc et au Central-Tube. Les premières nuits, Hélène n’a pas dormi du tout, elle a écouté les dépêches, ensuite elle les a seulement entendues ; maintenant, malgré les recommandations de son tuteur, elle ne les écoute ni ne les entend, elle dort. Le téléphone a beau tinter à son oreille, cette musique la berce au lieu de la réveiller.

M. Ponto reçoit de onze heures à midi. Défilé rapide d’ingénieurs, d’inventeurs, de clients ou de solliciteurs ; affaires proposées, exposées, acceptées ou rejetées, tout est expédié rapidement. Le temps est un chèque en blanc, signé par le Directeur général DIEU ! Sait-on combien d’années ou combien de jours on doit encore toucher à la banque de l’éternité !

À grande vitesse ! telle est la devise des gens sérieux et pratiques.

Et il faut voir comme M. Ponto a vite expédié les gens à propositions oiseuses, comme il sait s’en débarrasser électriquement. L’ambassadeur de tel petit État que nous ne voulons pas nommer put s’en apercevoir un jour qu’il venait pour la sixième fois proposer à M. Ponto le trône de son pays.

« Vous êtes trop aimable, monsieur le duc, répondit M. Ponto ; encore une fois, je ne songe pas à me retirer des affaires…

— Réfléchissez, c’est une véritable occasion, fit l’ambassadeur en insistant, un vieux trône, illustré par tant de rois héroïques, par tant de reines majestueuses, quelquefois un peu légères, mais si souverainement belles !… mille années de gloire !… un pays charmant !… l’amour d’un peuple… Vous n’avez qu’un mot à dire, et les députations vous apportent la couronne… vous fondez une dynastie ! Les temps nouveaux sont venus : après les dynasties féodales des hommes de guerre, les dynasties d’hommes de finance…

— Gardez votre couronne, s’écria M. Ponto ; j’en ai déjà refusé d’autres ! Si vous désirez une dynastie de rois financiers, c’est parce que vos finances sont horriblement obérées, je le sais très bien… Votre pays n’a plus le sou, ses soixante-douze emprunts en cent ans ont ruiné son