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Le Vingtième Siècle.

de la Bretagne à Paris ! … Les heures n’ont toujours que soixante minutes, n’est-ce pas ? … On change tout, maintenant ! … trois quarts d’heure ! … et quand je pense que de mon temps…

— Allons, dit Ponto, voilà que ça lui reprend ! … nos tubes lui mettent la cervelle à l’envers ! … Voyons, mon oncle Casse-Noisette, laissez là vos vieux souvenirs ! …

— Quand je pense que dans ma jeunesse, en 1890, avec les chemins de fer, on mettait dix heures pour aller de Paris à Bordeaux ! … et grand-papa… vous ne l’avez pas connu grand-papa ? … Non… vous êtes trop jeunes… grand-papa me disait qu’avec les diligences, il fallait quatre jours ! … et maintenant le tube vous jette en trois quarts d’heure du fond de la Bretagne à Paris ! …

— Trois quarts d’heure de tube, par train omnibus ! dit Barnabette en riant ; l’express met vingt-huit minutes ! le temps de s’embarquer à Brest ; et vlan ! l’électricité et l’air comprimé vous lancent dans le tube avec une vitesse foudroyante !
L’oncle
Casse-Noisette
.
— Horrible ! » gémit l’oncle vénérable en s’enfonçant dans le collet de sa redingote.

M. Ponto éclata de rire.

— Notre pauvre oncle Casse-Noisette, dit-il à ses amis, rabâche continuellement de ses chemins de fer ! vous ne savez pas pourquoi ? … C’était un des plus forts actionnaires du chemin de fer du Nord et l’invention des tubes électriques et pneumatiques venant, vers 1915, remplacer les antiques voies ferrées, l’a ruiné complètement… le brave homme n’a jamais pu prendre son parti de cette catastrophe et il poursuit à toute occasion de ses malédictions l’infernal tube, cause de ses malheurs !

« Il a toujours eu depuis la tête dérangée, dit le caissier de M. Ponto, il n’est pas possible qu’on ait jamais mis dix heures pour aller à Bordeaux…

— Je ne crois pas, dit Ponto, il exagère !

— C’est comme ce qu’il nous raconte des omnibus et des tramways du temps jadis…

— Pourtant il y a des vers célèbres là-dessus, dit Ponto, je ne sais plus de qui ; voyons si je me les rappelle…


Quatre bœufs attelés, d’un pas tranquille et lent,
Promenaient dans Paris le bourgeois indolent !