— Mon Dieu ! attendrait-on quelque visite officielle ?
— Non, c’est un arc de triomphe intime… vous ne devinez pas ?… je vais tout vous dire : c’est aujourd’hui la Saint-Alfred !
— Ah !…
— C’est ma fête !… mes pensionnaires se sont entendus pour me faire une surprise… chut ! n’ayons pas l’air de nous en apercevoir. Figurez-vous, que, depuis huit jours, des listes de cotisation circulent dans l’établissement et qu’avec l’argent recueilli, on a fait faire mon buste en photosculpture, avec ces mots gravés sur le socle : A leur aimable directeur, les pensionnaires de la maison centrale de retraite de Melun !
— C’est très touchant ! fit Mlle Malicorne.
— J’en ai déjà les larmes aux yeux, que sera-ce ce soir ! » dit le philanthrope en tirant son mouchoir.
On était arrivé sous l’arc de triomphe ; le philanthrope marchait les yeux baissés pour avoir l’air de ne pas l’apercevoir et laisser à ses pensionnaires le plaisir de lui en faire la surprise.
« Chut ! ne regardez pas ! » dit le philanthrope en voyant Mlle Malicorne prendre son lorgnon.
Mais il était trop tard, les pensionnaires, voyant leur directeur à portée, avancèrent la cérémonie et poussèrent de bruyants hourras en découvrant l’arc de triomphe.
« Vive la Saint-Alfred ! Vive notre directeur ! »
Le bon philanthrope réussit à prendre un air suffisamment stupéfait et, la main sur son cœur, s’arrêta pour considérer l’arc de triomphe.
« Mes enfants, balbutia-t-il, je suis touché… je suis ému… je suis…
— La députation ! la députation ! crièrent les pensionnaires, les doyens de la maison !… »
Quatre hommes, portant un immense bouquet, sortirent des rangs.
« Allons ! en chœur ! dit l’un d’une voix enrouée.
C’est aujourd’hui sa fête,
Pressons-le-sur nos cœurs
Et que vite il s’apprête
À payer des liqueurs !