suppression des directeurs et des actionnaires, et le partage égal entre tous du produit intégral du travail de tous.
Le programme était simple, clair, à la portée des moins larges intelligences, mais l’application, au grand étonnement de chacun, donna lieu pourtant, dès la première heure, à de rudes frottements. L’égalité des droits décrétée — la Sainte Égalité — pouvait-elle s’accommoder de l’inégalité des fonctions et des travaux ? On laissait les ingénieurs à leurs travaux forcément, parce que le simple manœuvre ne pouvait songer à prendre leur place ; mais les autres, bureaucrates, contremaîtres, chefs ouvriers, ne devaient-ils pas rentrer dans le rang ? Comment procéder à la distribution du travail, avec toutes ces inégalités, qui semblaient apparaître pour la première fois aux yeux de tous ? Personne ne voulait plus du travail rude, du travail dangereux ; chacun, naturellement, réclama le travail le plus facile et le plus doux, les postes les plus tranquilles.
Dès le premier jour, les heurts violents se produisirent, les discussions éclatèrent et s’envenimèrent très vite. Au milieu des tiraillements, des désordres et même des grèves de certaines spécialités, les usines marchèrent quelque temps cahin-caha, dévorant les stocks de minerais amassés et les fonds saisis dans les caisses. Puis, brusquement, tout s’arrêta, les machines poussèrent leur dernier râle, les hauts fourneaux s’éteignirent, tout tomba dans une confusion épouvantable.
Le collectivisme mourait de son triomphe. Tant bien que mal, l’organisme qu’il avait trouvé en fonctions avait encore marché quelques semaines, produisant — suivant les comptes rigoureusement tenus par les bureaux — tout à perte, pour diverses causes, par suite de l’immense gâchis d’abord, du labeur mal conduit et mollement soutenu pendant les heures de travail diminuées de moitié, — et laissant, au lieu de fabuleux bénéfices à répartir, comme tous l’espéraient, un déficit à combler, gouffre énorme, s’élargissant d’heure en heure.
Six mois d’anarchie épouvantable, avec la tristesse amère des beaux rêves écroulés, les lugubres désespoirs, les colères impuissantes, avec la ruine, la fureur et la faim partout !
Le grand centre industriel resta comme un immense tas de ferrailles inutiles, autour duquel peu à peu la solitude se faisait et que les affamés abandonnaient en colonnes lamentables.
Quand, après bien d’autres catastrophes, l’anarchie de Paris, s’éteignant peu à peu dans le sang des sectes socialistes qui s’entre-dévoraient, fut