À l’exemple de M. Roget, j’ai admis beaucoup d’expressions que les partisans de la pureté classique condamneront peut-être, comme étant grossières, et comme appartenant plutôt au langage des gens mal élevés qu’à celui des lettrés. Je ferai observer à ce sujet que, ne perdant pas de vue les usages multiples auxquels cet ouvrage est destiné, je n’ai pas cru avoir le droit d’exclure aucune des expressions qui sont généralement, et, pour ainsi dire, authentiquement reconnues comme ayant cours[1]. La convenance ou l’inconvenance de certains termes étant choses de pure convention, je n’ai pu me permettre de tracer une ligne de démarcation et de m’ériger en Aristarque. Je le répète, l’objet de ce dictionnaire n’est pas de régler l’emploi des mots, mais simplement de fournir et de suggérer ceux dont on peut avoir besoin, laissant le choix convenable entièrement à la discrétion et au goût de celui qui doit les employer. Si, par exemple, un romancier ou un auteur dramatique se proposait de mettre en scène quelque personnage grossier, il désirerait pouvoir mettre dans la bouche de ce personnage des expressions en harmonie avec son caractère ; de même — pour revenir à une comparaison déjà employée — de même que l’acteur, qui aurait à remplir le rôle d’un paysan choisirait les vêtements d’un paysan, et aurait justement lieu de se plaindre si le costumier du théâtre ne lui fournissait que des habits de cour.
M. Roget a fait entrer dans son Thesaurus beaucoup d’expressions empruntées à d’autres langues, principalement au latin. J’ai inséré ces expressions dans le Dictionnaire idéologique[2]. Quelques-unes d’entre elles peuvent être considérées comme déjà naturalisées ; tandis que d’autres, tout en conservant leur cachet étranger, sont fréquemment employées dans la composition française, comme rendant la pensée plus vivement et plus laconiquement que les termes de la langue usuelle.
Le plan de classification adopté dans cet ouvrage étant applicable à toutes les langues, vivantes ou mortes, on pourrait composer de la même manière un dictionnaire allemand, italien, espagnol, latin ou grec, possédant tous les avantages qu’offre le modèle anglais. Plus utile encore serait la combinaison de ces compilations méthodiques appliquées à deux langues, le français et l’anglais, par exemple, en plaçant en regard les colonnes de chaque langue. Pour les étudiants de chacune des deux nations, ce serait un excellent moyen de se perfectionner dans la langue