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La Fontaine. — Oncques avez-vous eu autres richesses de votre Roi que ces chevaux ?

Jeanne. — Je ne demandais rien à mon Roi, fors bonnes armes, bons chevaux, et de l’argent à payer mes gens de mon hôtel.

La Fontaine. — Aviez-vous point de trésor ?

Jeanne. — Les dix ou douze mille que j’ai vaillants ne sont pas grand trésor à mener la guerre, et c’est peu de chose. Lesquelles choses ont mes frères, comme je pense. Ce que j’ai, c’est de l’argent propre à mon Roi.

La Fontaine. — Quel est le signe que vous avez donné à votre Roi en venant vers lui.

Jeanne. — Il est beau, et honoré, et bien croyable, et il est bon, et le plus riche qu’il soit.

La Fontaine. — Pourquoi ne le voulez-vous aussi bien dire et montrer comme vous avez voulu avoir le signe de Catherine de la Rochelle ?

Jeanne. — Si le signe de Catherine eût été aussi bien montré comme a été le mien devant notables gens d’église et autres, archevêques et évêques, c’est à savoir devant l’archevêque de Reims et autres évêques dont je ne sais le nom (et même y était Charles de Bourbon, le sire de la Tremoïlle, le duc d’Alençon et plusieurs autres chevaliers qui le virent et ouïrent comme je vois ceux qui me parlent aujourd’hui), je n’eusse point demandé à savoir le signe de Catherine. Et toutefois je savais d’avance par sainte Catherine et sainte Marguerite que, du fait de ladite Catherine de la Rochelle, c’était tout néant.

La Fontaine. — Est-ce que ce signe dure encore ?

Jeanne. — Il est bon savoir, et qu’il durera jusques à mille ans, et outre. Ledit signe est en trésor du Roi.

La Fontaine. — Est-ce or, argent, ou pierre précieuse, ou couronne ?

Jeanne. — Je ne vous en dirai autre chose, et ne saurait homme décrire aussi riche chose comme est le signe. Et toutefois le signe qu’il vous faut, c’est que Dieu me délivre de vos mains, et c’est le plus certain qu’il vous sache envoyer !