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sais point. Et il ne me souvient pas si j’avais dit qu’on les sonnât.

La Fontaine. — Fîtes-vous cette sortie du commandement de votre voix ?

Jeanne. — En la semaine de Pâques dernièrement passée, étant sur les fossés de Melun, il me fut dit par mes voix, c’est à savoir sainte Catherine et sainte Marguerite, que je serais prise avant qu’il fût la Saint-Jean, et qu’ainsi fallait que fût fait ; et que je ne m’ébahisse pas, et prisse tout en gré, et que Dieu m’aiderait.

La Fontaine. — Depuis ce lieu de Melun, ne vous fut-il point dit par vos dites voix que vous seriez prise.

Jeanne. — Oui, par plusieurs fois, et comme tous les jours. Et à mes voix je requérais, quand je serais prise, d’être bientôt morte, sans long travail de prison. Et elles me dirent de prendre tout en gré, et qu’ainsi il fallait faire. Mais ne me dirent point l’heure, et si je l’eusse sue, je n’y fusse pas allée. J’avais plusieurs fois demandé à savoir l’heure, mais elles ne me la dirent point.

La Fontaine. — Si vos voix vous eussent commandé de faire la sortie et signifié que vous seriez prise, y fussiez-vous allée ?

Jeanne. — Si j’eusse su l’heure, et que je dusse être prise, je n’y fusse point allée volontiers ; toutefois j’eusse fait leur commandement à la fin, quelque chose qui me dût être venue.

La Fontaine. — Quand vous fîtes cette sortie de Compiègne, avez-vous eu voix de partir et de faire cette sortie ?

Jeanne. — Ce jour, je ne sus point ma prise et je n’eus d’autre commandement de sortir. Mais toujours il m’avait été dit qu’il fallait que je fusse prisonnière.

La Fontaine. — À faire cette sortie, avez-vous passé par le pont ?

Jeanne. — Je passai par le pont et par le boulevard, et allai avec la compagnie des gens de mon parti sur les gens de monseigneur de Luxembourg, et les reboutai par deux fois jusques au logis des Bourguignons, et à la tierce fois