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C’est un grand arbre, appelé Fau, d’où vient le beau mai. Il appartenait, à ce qu’on dit, à Monseigneur Pierre de Bourlemont, chevalier. Parfois, j’allais m’ébattre avec les autres filles, et faisais à cet arbre chapeaux de fleurs pour l’image de Notre-Dame-de-Domremy. Plusieurs fois, j’ai ouï dire des anciens, non pas de mon lignage, que les Dames Fées y demeuraient. Et j’ai ouï dire à une femme, nommée Jeanne, femme du maire Aubery, de mon pays, laquelle était ma marraine, qu’elle avait vu les Dames Fées. Mais moi qui parle, ne sais si cela est vrai ou non. Je n’ai jamais vu fée à l’arbre, que je sache.

— En avez-vous vu ailleurs ?

— Je ne sais. J’ai vu mettre aux branches de l’arbre des chapeaux de fleurs par les jouvencelles, et moi-même en ai mis parfois avec les autres filles. Et parfois nous les emportions, et parfois nous les laissions. Depuis que je sus que je devais venir en France, je fis peu de jeux ou ébattements, et le moins que je pus. Et je ne sais point si, depuis que j’eus entendement, j’ai dansé près de l’arbre. Parfois je peux bien y avoir dansé avec les enfants ; mais j’y ai plus chanté que dansé. »

Pourquoi accuser d’hérésie celle qui porte des couronnes aux arbres magiques ? Nous sommes trop sûrs que Jeanne ne croyait point aux Dames Fées, mais elle ne jugeait point criminel d’aimer encore ces belles imaginations françaises. Elle ne dansait pas, mais elle chantait, et l’on imagine si bien quelles chansons ! Pour Hauviette, et Mengette, et Simon Musnier, et Jean Waterin, on la voit, à l’heure du goûter, par ces journées de fête, chantant la petite fille qui s’en allait, en passant par la Lorraine, avec ses sabots et un bouquet, trouver le dauphin, le fils du roi, et risquait si fort de « perdre sa peine ». Encore une chanson sur notre chemin, comme pour l’apparition des Saintes du Jardin ! Encore l’accompagnement des grâces naturelles. La voix du sol, les voix des fées se mêlent candidement aux voix