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que, dans le premier cas, il s’agit d’une obligation, de règlements religieux faits pour tous, et elle s’adresse à ceux qui ont fait ces règlements. Dans le second, il s’agit d’un mystère, plus ineffable, des relations qui existent entre la créature et le Créateur, et auxquelles personne n’a rien à voir. Le plus mauvais pécheur a droit à ce secret des saints : on peut lui demander compte de ce qui est d’obligation, et qu’il viole, mais nul n’a à s’informer si, dans l’intimité de son humiliation, de son espoir, de sa médiocrité indulgente à soi-même, il essaie de s’entretenir, le soir, tout seul, avec celui qu’il aime malgré tout.

« Quand j’eus l’âge de treize ans, j’eus une voix de Dieu pour m’aider à me gouverner. Et la première fois, j’eus grand peur. »

Jeanne n’a aucune habitude du monde surnaturel. C’est là ce qui peut toucher le moins digne. Elle a peur, comme tout homme peut avoir peur devant une figure divine. Plus tard, elle s’habituera, elle arrivera à une sorte de familiarité merveilleuse. Mais il ne faut pas oublier que par son premier geste — ce geste de terreur — elle nous indique la violence qu’un Dieu fait à la nature. Elle était une petite fille, pieuse sans doute, mais amusée de la vie et aimant sa tranquillité. Quelque chose est venu bouleverser tout cela. Il lui faudra du temps pour s’en accommoder, et en arriver à ces paisibles relations avec le monde surnaturel où nous la voyons par la suite si naturellement engagée.

« Et vint cette voix environ l’heure de midi, au temps de l’été, dans le jardin de mon père. »

En une phrase miraculeuse, tout le décor éternel de la sainteté de Jeanne est posé. Avec des mots qui semblent pris à des chansons (Dans le jardin de mon père, les lilas sont fleuris…), Jeanne nous invite à penser qu’il n’y a point de brumes dans sa mystique, mais le grand éclat