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Sa voix résonne sous la voûte, au-dessus du bruit des pas.

Lorsque nous arrivons à la petite cour où attend la voiture cellulaire, il se retourne vers Mlle Noël et lui baise la main, en lui disant : « Je vous confie Suzanne et ses deux petits. » Il ajoute : « C’est aujourd’hui le 6 février, vous penserez à moi, et vous penserez aussi aux autres qui sont morts le même jour, il y a onze ans. »

Je monte avec lui dans la voiture qui va nous conduire au fort de Montrouge. Il s’est assis, impassible, en me prenant la main. À partir de ce moment, il ne parlera plus.

Le poteau est dressé au pied d’une butte de gazon. Le peloton qui comprend douze hommes et un sous-officier nous tourne le dos. Robert Brasillach m’embrasse en me tapotant l’épaule en signe d’encouragement. Un sourire pur illumine son visage, et son regard n’est pas malheureux. Puis, très calme, très à l’aise, sans le moindre tressaillement, il se dirige vers le poteau. Je me suis un peu détaché du groupe officiel. Il s’est retourné adossé au poteau. Il me regarde. Il a l’air de dire : « Voilà… c’est fini… »

Un soldat sort du peloton pour lui lier les mains. Mais le soldat s’affole et n’y parvient pas. Le maréchal-des-logis, sur l’ordre du lieutenant essaie à son tour. Les secondes passent… On entend la voix du lieutenant qui coupe le silence « Maréchal-des-logis !… Maréchal-des-logis… »

Robert Brasillach tourne lentement la tête de gauche à droite. Ses lèvres dessinent un sourire presque ironique. Les deux soldats rejoignent enfin le peloton.

Robert Brasillach est lié à son poteau, très droit, la tête levée et fière. Au-dessus du cache-col rouge, elle apparaît toute pâle. Le greffier lit l’arrêt par lequel le pourvoi est rejeté.

Puis d’une voix forte, Robert Brasillach crie au peloton : « Courage !… » et les yeux levés : « Vive la France !!! »

Le feu de salve retentit. Le haut du corps se sépare du poteau, semble se dresser vers le ciel ; la bouche se crispe. Le Maréchal-des-logis se précipite, et donne le coup de grâce. Le corps glisse doucement jusqu’à terre. Il est 9 heures 38.

Le Dr Paul s’avance pour constater le décès.

L’Aumônier et moi-même le suivons et nous inclinons. Le corps est apparemment intact. Je recueille, pour ceux qui l’aiment, la grosse goutte de sang qui roule sur son front.

Fait à Paris, le 6 février 1945
Jacques Isorni,
Avocat à la Cour d’Appel.