Il me montre la photographie de sa mère et celle de ses deux neveux.
Il les met dans son portefeuille et m’exprime le désir de mourir avec ces photographies sur son cœur. À ce moment, il a une légère défaillance, il pousse un soupir et des larmes coulent de ses yeux. Il se tourne vers moi et dit, comme s’il voulait s’en excuser :
« C’est un peu naturel. Tout à l’heure, je ne manquerai pas de courage, rassurez-vous ».
Il s’habille alors tranquillement avec beaucoup de soin, refait la raie de ses cheveux devant sa petite glace, puis songeant à tout, retire d’une miche de pain un petit canif et une paire de ciseaux qu’il y avait dissimulés et qu’il me remet. Il m’explique « Pour que personne n’ait d’ennui ».
Il range ses affaires personnelles dans un grand sac. À ce moment il a soif. Il boit un peu d’eau dans sa gamelle. Puis il achève sa toilette. Il a le pardessus bleu qu’il portait au procès. Autour de son cou il a passé un foulard de laine rouge.
Il demande à s’entretenir avec M. le Commissaire du Gouvernement Reboul.
Celui-ci s’avance. Il est raidi par l’émotion, le visage tourmenté et d’une grande pâleur.
D’une voix sourde, Brasillach lui fait alors la déclaration suivante :
« Je ne vous en veux pas, Monsieur Reboul, je sais que vous croyez avoir agi selon votre devoir ; mais je tiens à vous dire que je n’ai songé, moi, qu’à servir ma patrie. Je sais que vous êtes chrétien comme moi. C’est Dieu seul qui nous jugera. Puis-je vous demander un service ? » M. Reboul s’incline. Robert Brasillach continue : « Ma famille a été très éprouvée, mon beau-frère est en prison sans raison depuis six mois. Ma sœur a besoin de lui. Je vous demande de faire tout ce que vous pourrez pour qu’il soit libéré. Il a été aussi le compagnon de toute ma jeunesse. »
Le Commissaire du Gouvernement lui répond :
« Je vous le promets. »
Robert Brasillach lui dit pour terminer : « Consentiriez-vous, M. Reboul, à me serrer la main ? »
Le Commissaire du Gouvernement la lui serre longuement.
Robert Brasillach m’embrasse une fois encore ; il embrasse longuement Me Mireille Noël qui vient de rentrer et lui dit : Ayez du courage et restez près de ma pauvre sœur ».
Il est prêt. Il ouvre lui-même la porte de sa cellule.
Il avance au devant des personnalités qui attendent et leur dit : « Messieurs, je suis à vos ordres ! »
Deux gardes-mobiles se dirigent vers lui et lui passent les menottes. Nous gagnons le grand couloir de la sortie. En passant devant une cellule, d’une voix claire, Robert Brasillach crie : « Au revoir Béraud ! », et quelques mètres plus loin : « Au revoir Lucien Combelle ! »