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les mendiants de la mort

tresse de maison, mais d’autant plus jolies et gracieuses qu’on les avait choisies dans la foule du peuple pour les élever à la fortune. Les hommes, d’apparence semblable en ce moment, étaient des conditions les plus opposées : les uns s’élevaient, les autres s’abaissaient en venant dans cette maison. Parmi les derniers étaient des fils de famille, qui faisaient là leurs premières armes, et des vétérans du grand monde, qui venaient y prendre leur retraite.

La réunion était complète, et Herman de Rocheboise, le maître de maison en toute propriété, n’avait pas encore paru.

La musique commença. On entendit quelques artistes, comme il est de rigueur en bonne compagnie, mais en prêtant à leurs accords une oreille inexperte, et en attendant avidement des plaisirs moins éthérés que l’harmonie.

La danse fut ensuite on ne peut plus animée et joyeuse. Tout se réunissait pour donner plus d’entrain et de gaieté. Le soleil, qui ne voit pas souvent des bals, se prêtait à la circonstance, et semait ses rayons sur les buissons de fleurs qui répandaient un plus pénétrant parfum. Dans cette société, jeune, vivace, hardie dans ses fêtes, le plaisir répandait aussi son excitation la plus vive, et il y avait des rires et de la joie dans cette étroite enceinte de quoi faire envie au reste du monde.

Robinette, dans son capricieux costume, était à la fois originale et charmante, et attirait à elle tous les succès.

Herman n’arrivait pas, malgré l’heure avancée ; mais comme il avait envoyé de la veille la corbeille remplie des objets que sa somptueuse galanterie offrait aux dames, la maîtresse de maison s’inquiétait peu de son absence.

On passa en dansant encore dans la salle des rafraîchissements. Les femmes prirent place à table ; les hommes se tinrent debout derrière elles, et, dans leur génie, capables de se livrer à quatre plaisirs à la fois, ils buvaient, mangeaient, servaient les dames et tentaient leur conquête.

Le moment le plus important est enfin venu.

La maîtresse de maison fait desservir la table, en y laissant seulement les vases de fleurs et les flacons de champagne, et on dépose au milieu la corbeille de soie blanche contenant les lots que le hasard va distribuer.

Chacune des femmes fixe un regard de convoitise sur