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les mendiants de la mort

mac contre l’exiguité des vivres, et l’intensité de son appétit excité par une journée de courses, il mange avec modération, presque avec indifférence, humectant le hareng de l’eau de la cruche qu’il fait venir à ses lèvres avec un chalumeau de paille, faute de verre… Il s’interrompt souvent ; il jette un regard d’une singulière expression sur le coin de son plancher qui avoisine le grabat ; et, après quelques minutes de contemplation muette, se remet à manger.

Mais, à chaque instant, les coups d’œil vers la partie mystérieuse de son logis deviennent plus fréquents, plus animés… Bientôt, il ne peut plus y tenir, il abandonne son repas à peine commencé, et se lève vivement de table.

Il va d’abord à sa porte, qu’il ferme à l’intérieur par un ressort à secret, connu de lui seul, étend davantage devant sa fenêtre les hardes qui garantissent des regards ; puis, cela fait, écoute quelques minutes.

Satisfait de ces précautions, il s’approche de la muraille qui sépare la chambre du cabinet, se baisse sur ses genoux, appuie par terre son poignet droit, dont, comme on le sait, la main a été coupée, et promène sa main gauche sur la plinthe de bois. Tout à coup, à cette pression, une partie de la planche, se séparant de l’autre, se relève sur elle-même, et découvre une petite ouverture semblable à celles qui servent de passage aux souris dans leurs pérégrinations aux lieux habités.

Alors le vieillard, introduisant un doigt dans un trou, tire à lui ; à ce mouvement, une plaque de plâtre d’un pied carré, qui fait partie de plancher, s’ébranle et se soulève.

Le trou profond qui se découvre est rempli de pièces d’or, d’argent, de cuivre, de monnaie de toute sorte… Mais c’est l’or qui domine.

En apercevant son trésor, le vieux mendiant tressaille ; il se répand sur son horrible et sombre figure des éclairs de joie insensée, de bonheur frénétique ; sa poitrine se dilate, ses yeux jettent des feux ardents ; il pose la main sur son sein bondissant, dont il craint même que la respiration haletante ne se révèle au dehors…

Pendant le quart d’heure où il contemple son or, il épuise tout ce que font sentir les suprêmes jouissances humaines.

Il demeura fixe, muet, les bras pendants, replié sur