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les mendiants de la mort

Pasqual était venu s’asseoir près de lui, comme il en avait pris l’habitude depuis quelque temps. Mais Herman, ayant gardé dans le fond de son âme les idées sinistres qui l’absorbaient, sans en rien laisser paraître devant son confident, ni l’un ni l’autre, en ce moment, ne trouvaient de paroles à échanger. Ils traversaient les longues files de rues dans un morne silence.

Le temps, assez clair le matin, s’était chargé de froids brouillards. Herman avait parcouru en calèche toute l’étendue qui se déroule après la barrière du Maine, emprisonné dans cette vapeur grise, sans pouvoir reposer ses yeux sur un seul point de la campagne. Il revenait de cette course au dehors plus triste, plus accablé qu’il était parti. Une souffrance sans nom l’oppressait, et il sentait s’augmenter en lui cette aspiration vers la fin de toutes choses qui régnait seule alors dans son âme.

La voiture en suivant le chemin qui lui était indiqué pour rentrer à l’hôtel passa dans la rue Las-Cases.

Là, Pasqual demanda à son maître la permission de descendre un moment dans une maison où il avait affaire, disant qu’il rentrerait à pied à la Chaussée-d’Antin.

— Il fait bien mauvais temps, dit Herman avec la bonté qui ne l’abandonnait jamais ; si vous ne devez rester là qu’un instant, je préfère vous attendre.

Pasqual remercia, assura qu’il ne serait éloigné qu’une minute, et dit au cocher d’arrêter.

On était devant une maison de deux étages, sombre, lézardée et de la plus pauvre apparence.

— Bon Dieu ! mon cher, qu’allez-vous donc faire là ? dit Herman à Pasqual avant que celui-ci descendit de voiture.

— Je vais chez moi, monsieur.

— Chez vous ! répéta Rocheboise avec surprise.

— Monsieur est étonné de me voir un chez moi, reprit Pasqual, et ensuite de le voir d’un aspect si misérable, d’après la situation dans laquelle je suis maintenant.

— C’est justement cela.

— Vous voyez, monsieur, ici, à gauche, les deux dernières fenêtres des mansardes : c’est là que je suis descendu en arrivant à Paris !… c’est là que j’ai été pauvre et malheureux, à ce point que d’autres misères, d’autres infortunes comparées à celles là ne sont rien… Les peines que j’ai souffertes dans ce réduit l’ont en quelque sorte consacré pour moi. Je l’ai toujours gardé quand les chan-