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les mendiants de la mort

— Possible. dit-elle en répondant par un doux regard à la flatterie d’Eugène. Ensuite on s’enferme à l’abri, au coin du feu, et on est plus près de ses amis.

— Oui, c’est bon, reprit Hector, mais il ne faudrait pas y apporter les autans avec soi, et je suis encore tout inondé !

— Tiens, dit son voisin de table en lui versant du vin, voilà le cinquième élément qui va réparer les ravages des autres… aussi tu as parcouru tout le bois à cheval…

— Je me promène toujours avant dîner pour prendre appétit, je dîne largement pour mieux dormir, et je dors pour prendre force et courage à recommencer le lendemain.

— Voilà une existence bien remplie ! mais je n’y vois pas le temps de tes amours, Hector.

— Oh ! c’est que toutes les heures sont à eux. En courant à cheval, en buvant ou en dormant, on pense à ses amours.

— Quel homme passionné !

— La nature m’a fait pour cela, mes amis…

— Ah bath !

— En me donnant une figure assez laide.

— Vraiment, c’est comme cela ?

— Sans doute, ignorants que vous êtes ! les Apollons comme notre Herman séduisent tout de suite, et l’amour passe aussitôt ; tandis que moi, mettant des siècles à plaire, j’en ai pour aussi longtemps à être amoureux.

— Sans compter les passions malheureuses qui durent toute la vie, et que tu dois éprouver quelquefois.

— Certainement… ce qui n’arriverait pas à notre ami Herman.

— Qui peut changer tant qu’il lui plaît et être toujours aimé, n’est-ce pas ?

— Encore, s’écria Robinette, on accuse Herman d’être léger…

— Comme tous les enfants gâtes de la nature et des femmes, ma chère.

— Oh ! moi je jugerais bien qu’il m’aimera toute la vie.

— Vous vous éveillerez un matin toute surprise de voir qu’il n’en est rien.

— Bah ! j’entends toujours parler de l’inconstance des hommes, et je les vois tous fidèles comme des anges… L’amour est plus fort qu’on ne croit.