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les mendiants de la mort

bre, très-vaste et sombre dans ses limites, où n’atteignait pas la lueur des deux flambeaux posés sur la cheminée.

En passant devant l’alcôve fermée, il crut voir les rideaux de damas jaune s’empreindre d’une faible ondulation. En dépit de sa raison, un frémissement douloureux parcourut ses veines. Il s’arrêta et, regarda longtemps du côté de cet enfoncement invisible… IL eût donné tout au monde pour que ces rideaux fussent ouverts, et il n’avait pas la force d’aller les rejeter de côté… Le mouvement de l’étoffe se renouvela encore une fois.

— Ces fenêtres ferment mal, et le vent agite les rideaux, dit tout haut Ilerman en voulant se cacher à lui-même une terreur puérile dont il était profondément humilié.

En disant cela, il s’approcha des croisées et en assujettit la fermeture ; mais il fut forcé de s’avouer que l’air ne pénétrait point par leurs joints… Alors un serrement de cœur mortel le saisit, car il devenait certain qu’une impulsion intérieure agitait les rideaux.

Herman, dans cette situation inexprimable, reste appuyé contre le chambranle de la croisée qui est en face de l’alcôve, tantôt cherchant à distraire ses regards en les portant au dehors, tantôt les ramenant sur les lambris de cette chambre sinistre.

D’un côté, il n’y a que cette nuit profonde, dans laquelle flottent en masses plus sombres les grandes cimes d’arbres, dont les mouvements agités peignent le désordre et la souffrance ; de l’autre, ces longs plis de damas dont les oscillations deviennent plus sensibles à chaque minute, si bien qu’Herman ne serait pas étonné en ce moment de voir Marie, expirante sur ce lit, en soulever les rideaux pour lui montrer son agonie.

Et sa terreur augmente au point de le briser.

Oh ! combien il voudrait se trouver tout à coup en face d’un danger réel, être immobile devant le bout d’un pistolet ou suspendu par le plus faible soutien au-dessus d’un abîme, afin de braver la mort avec calme, et de se relever à ses yeux.

Mais en ce moment toute sa raison est impuissante à repousser son effroi ; il ne peut commander aux battements de son cœur, aux frémissements de tout son être de se taire !

Bientôt il lui semble entendre un faible murmure de voix humaine dans l’alcôve… Il voudrait écouter attenti-