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les mendiants de la mort

— En marchant à cette voix, dit Gauthier, nous sommes sûrs d’aller en ligne droite vers le bord où notre jeune inconnu et venu nous attendre… nous n’avons plus guère qu’une heure de chemin pour le rejoindre… et alors, monsieur, je me séparerai de vous.

— Comment !

— Il paraît que vous allez prendre une autre direction moi, après la traversée du Havre, je suivrai les côtes à pied jusqu’à Lorient. L’inconnu m’a remis une rente sur l’État, qu’il a fait passer au nom de ma sœur, et qui nous préserve pour toujours du besoin… au lieu des murs de la prison, j’aurai autour de moi un bel horizon où tout fleurit et chante, puis, sous mes pas, les arbres, les maisons de mon pays natal ; ma sœur me dira l’histoire de ce hameau depuis que j’en suis loin, et je croirai ne l’avoir jamais quitté, je croirai être né heureux, fait pour vivre et mourir en paix… Et tout cela, monsieur, c’est à l’inconnu que je le devrai !…

La route devenait à chaque instant plus difficile ; l’ouragan, dans sa violence, jetait les branches échevelées des arbres au travers de leur chemin, des ruisseaux subitement formée sillonnaient le sol sous leurs pas, les éclairs, qui les aveuglaient par instant, rendaient ensuite l’obscurité plus profonde et la campagne plus inextricable.

Un éclair leur fit découvrir un tertre surmonté d’un grand peuplier, au pied duquel flottait un point blanc.

C’était l’inconnu qui agitait son mouchoir pour appeler les voyageurs de son côté.

Cette réunion si simple avait pourtant quelque chose d’imposant. C’était au milieu de la nuit, les lueurs de l’orage parcourant l’horizon ne montraient de toute part qu’un espace solitaire, sans habitations, sans voiture passant sur une route, sans même un oiseau sillonnant les airs, rien ne paraissait aux regards qu’une espèce de.désert habité par l’orage. Le silence imposé par l’inconnu complétait l’impression saisissante de ce moment.

Herman pensa que ce jeune homme, seul être vivant qui apparût dans cette solitude livrée à la tourmente, était le seul aussi qui, dans de tourbillon de malheurs où il avait été plongé, fût venu se montrer à lui, et dont il eût vu dans la nuit flotter le mouchoir blanc, comme un pavillon de salut.