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les mendiants de la mort

inconnu se fit conduire près du supérieur de la communauté, et nous laissa, votre père et moi, dans le cloître, formé de grossiers piliers de bois sur lesquels surplombe le bâtiment de briques rouges.

Je comprenais l’embarras extrême du comte de Rocheboise, dont le regard effaré avait l’air de demander aux arcades du cloître ce qu’il venait faire sous leur voûte ; et pour ne pas le troubler davantage, je regardai avec une attention extraordinaire les simples liserons qui s’enroulaient autour de la croix de fer élevée au centre du préau.

Peu d’instants après, celui qui nous avait amenés là revint avec le supérieur. Le père trappiste ralentissant ses pas, notre bel inconnu s’approcha le premier du comte de Rocheboise. La curiosité me fit faire quelques pas de leur côté, mais songeant à ce que ma présence entre eux aurait d’inconvénient, je retournai à mes liserons. De là, je recueillis seulement quelques phrases interrompues de l’entretien.

— N’importe ! dit vivement Herman. Oh ! répétez-moi tout ce que votre mémoire pourra vous rappeler.

— Notre jeune protecteur parut d’abord donner quelques explications à votre père et termina en disant :

— Ainsi, tout est arrangé pour que vous trouviez ici un asile sûr et éternel.

Le comte, à ces mots, fit un brusque mouvement en arrière ; sa figure exprimait l’effroi et presque la colère. L’inconnu reprit plus haut :

— Je vous ai annoncé, monsieur, que votre séjour dans cette maison était arrangé, j’aurais pu dire irrévocablement fixé.

« Votre père, pour toute réponse, a jeté un regard rapide dans l’étendue du cloître comme pour y chercher une issue… Mais cette ligne d’arcades uniformes et sans interruption, une fois qu’on y est entré, semble refermée de toute part sur vous… Elle ressemble à la vie monacale dont elle est l’asile.

Le comte, retenu par cette impression, ou par une pensée plus réfléchie, est resté immobile.

Son interlocuteur a continué :

— C”est pour assurer le repos de votre vieillesse, c’est pour la soustraire en même temps aux besoins et aux ressources abjectes que j’ai pris ce parti… Mais si un tel sort