Page:Robert - Les Mendiants de la mort, 1872.djvu/227

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
223
les mendiants de la mort

berté… ce jeune homme si noble, si courageux, vous ne m’avez pas dit son nom.

— Son nom ?

— Que je le connaisse, enfin !

— Mais je l’ignore entièrement.

— Quoi ! vous ne savez rien de plus ?

— Rien.

— Mon Dieu ! reprit Herman, encore trompé dans son espérance, cherchez bien dans vos souvenirs. La moindre circonstance pourrait servir à me le faire reconnaître.

— Attendez ! c’est lui encore qui, le jour où il vint à la Force, et lorsque nous avions déjà eu un entretien au sujet des embellissements qu’il voulait faire dans votre cellule, me glissa un billet en me faisant signe de vous le remettre secrètement. Ma fois, je n’étais pas très-fort sur la consigne… je posai le petit papier sur le banc du préau, où vous alliez revenir vous asseoir.

— Oui… mais ce billet, d’une écriture inconnue, n’était pas signé… cela ne m’apprend rien de plus.

— Une chose encore.

— Oh ! dites !

— Il paraît que, grâce à son livre sur les Prisons, qu’il lisait comme le saint Évangile, ce jeune homme connaissait tous les secrets du vieux bâtiment de la Force mieux que ceux qui l’habitent. 11 savait donc qu’une ancienne communication, très-étroite, mais par laquelle on pouvait pénétrer, régnait entre le dernier des cachots souterrains et la chapelle. Le jour où je le vis pour prendre toutes les mesures de notre évasion, et qui était celui de votre jugement, il me supplia, si vous étiez condamné au cachot, de vous faire placer dans celui dont je vous parle et qu’il me désigna… Après l’arrêt du tribunal, vous vîntes en effet habiter ce triste lieu… et ce soir-là le jeune étranger resta bien tard à la chapelle.

— Ah ! je m’en souviens, dit Herman, j’ai entendu de là les hymnes religieuses… c’était sa voix, à lui, qui me parlait dans cette douce et consolante harmonie.

Puis soudain Herman se leva et marcha quelque temps en pressant sont front de ses mains. Il songeait que son libérateur, de la chapelle où il était resté longtemps enfermé, avait dû entendre les solennelles et terribles révélations de Pierre Augeville… Il éprouvait une sorte de consolation à penser que celui qui l’avait aimé et protégé malgré ses fautes connaissait du moins le mobile mysté-