Page:Robert - Les Mendiants de la mort, 1872.djvu/223

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
219
les mendiants de la mort

voulu me sauver, comment vous avez pu servir un tel projet.

— Tout absolument.

— Ah ! merci ! s’écria Herman en lui serrant la main, je vais donc savoir à qui je dois plus que la vie.

— Peu de jours après votre arrivée à la Force, raconta Gauthier en continuant de déjeuner, on me fit demander à l’hôtel garni qui touche à la prison. Le domestique, qui était venu pour me chercher, me conduisit dans un salon où je trouvai un jeune homme d’une figure distinguée et prévenante, mais qui avait l’air profondément préoccupé… Lorsque j’entrai, il était encore en robe de chambre, appuyé sur les coussins d’un canapé, et avait laissé tomber sa longue pipe près de lui…

« Il me demanda d’abord si je n’étais pas le gardien du département de la prison dans lequel se trouvait le détenu Herman de Rocheboise. Sur ma réponse affirmative, il me pria de vouloir bien faire placer dans votre cellule des tentures, un lit, une pendule et quelques meubles qu’il enverrait à la Force. Il me demandait instamment défaire opérer ce changement dans votre ameublement, tandis que vous seriez descendu dans le préau, et m’offrait 50 fr. pour la peine que je voudrais bien prendre.

« Il n’y avait rien là qui fût contraire à mes devoirs ; les meubles, visités au greffe, pouvaient ensuite être portés dans votre chambre ; le reste n’exigeait qu’un peu de complaisance ; je fis exécuter ce qui m’était demandé, et refusai la récompense.

« J’avais oublié cet incident, lorsque, il y a peu de jours, et quand votre procès touchait à son terme, je vis ce même jeune homme qui venait visiter l’intérieur de la Force. Le directeur l’accompagnait, et j’ouvrais les portes devant eux.

« L’étranger parcourait avec une curiosité extrême cet antique édifice. Il examinait chaque détail et semblait en chercher d’autres encore. Enfin, arrivé devant la muraille où se trouvait autrefois l’ouverture grillée, il en reconnut la trace, et dit avec une vive émotion : C’est là !

« Alors, soit pour rester plus longtemps à cette place, soit pour cacher au directeur l’intérêt qui l’y amenait, il raconta l’épisode de la veuve Kolli et de ses deux pauvres enfants.

« Jugez, monsieur, ce que j’éprouvais en écoutant ce récit de notre captivité et des derniers moments de ma mère