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les mendiants de la mort

cha devant ses compagnons qui portaient le prisonnier, et, traversant toute la longueur d’un couloir souterrain, il ouvrit la porte du cabanon qui se trouvait à l’extrémité de ce passage.

Là, le condamné fut déposé sur un lit. Lorsqu’il commença à revenir à lui, ses gardiens lui firent prendre un bol de vin chaud et le laissèrent seul.

Tout le temps de l’imposante et terrible séance, Herman avait fait des efforts surhumains pour conserver une ferme contenance, et il était parvenu à en imposer aux regards ; aucun signe extérieur n’avait trahi son désespoir.

C’était seulement au retour dans la prison que, perdant le pouvoir de se contraindre dont il avait usé avec tant de violence, il était tombé anéanti.

Au bout de quelques instants, le silence et la solitude de la prison ranimèrent Herman. Soustrait par ces hautes murailles au supplice que lui imposaient les regards du monde, il revint peu à peu à la vie.

En regardant autour de lui, il ne retrouva plus sa cellule accoutumée, cette retraite chère encore, parce qu’une main inconnue en avait adouci pour lui le séjour. Il était dans un cabanon muré de pierres de taille, fermé de longues barres de fer, garni de sièges de bois et d’une couche de paille.

Il n’avait pas entendu l’arrêt porté sur lui, mais tout avait fait préjuger dès longtemps que ce serait la peine capitale, et le lieu où il s’éveillait devait le lui confirmer… Il était sans doute dans le cachot des condamnés à mort, sous cette antique voûte où tant d’hommes avaient déjà habité pour un jour, et vers laquelle ne s’était élevée qu’une seule pensé : Demain, je ne serai plus.

Le cabanon avait un soupirail pratiqué dans la hauteur du mur, et, d’un autre côté, une ouverture d’un demi-pied à peine, percée obliquement dans la pierre, et qui, sans destination actuelle, était restée dans un mur appartenant sans doute aux anciennes constructions de la Force.

Herman plaça son escabelle au-dessous de la lucarne qui laissait voir dans le lointain quelques touffes d’arbres, quelques rayons de soleil et versait dans l’intérieur un souffle d’air tiède et pur.

— Encore de la verdure, encore de la lumière, dit le condamné, et demain, ou le jour suivant… plus rien… que le froid de la fosse et cette nuit si profonde, que les vivants n’en ont pas même une idée. Repoussé de ce monde