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les mendiants de la mort

Le gardien, qui les avait suivis jusque-là, resta seul à la place qu’ils venaient de quitter.

Ce gardien était Gauthier, pour lequel Herman avait éprouvé, dès son entrée dans la prison, un sentiment de préférence. La figure honnête de cet homme, sa physionomie particulière, lorsqu’au milieu de ses collègues portant tous un air d’insouciance et de prospérité, il se montrait triste, fatigué de ses fonctions, et accablé lui-même du poids de ces murailles dans lesquelles il retenait les autres, tous ces indices d’une nature assez élevée, avaient attiré de plus en plus la confiance d’Herman, et une sorte de liaison s’était formée entre le surveillant et le prisonnier.

Aussi, en ce moment, Herman s’approcha de Gauthier, immobile devant ce pan de mur qu’il semblait regarder avec un extrême intérêt, et lui demanda ce qu’il examinait ainsi.

— Ce jeune monsieur qui visite la maison, répondit le gardien, tenait beaucoup à retrouver la trace d’une communication qui existait autrefois entre cette cour et la partie voisine, parce qu’il s’y rattache un fait très-simple, mais peut-être touchant, qui se passa ici du temps de la Terreur, et qui est rapporté dans un ouvrage sur les prisons de l’Europe.

— Et cet incident… il vous l’a fait connaître ?

— Oui, il l’a raconté dans tous ses détails, répondit le vieillard d’une voix émue… Du reste, ajouta-t-il d’un accent plus triste, ce n’était peut-être que pour demeurer plus longtemps ici…

— Demeurer ici… et dans quel but ?

— Je ne sais… mais il semble prolonger autant que possible sa tournée dans la prison… Il ne me ressemble guère, ce monsieur-là… si je pouvais sortir d’ici !…

— Vous seriez heureux de changer de condition ?

— Ce serait passer de la mort à la vie.

— Pauvre Gauthier !… Mais que vous a donc raconté ce jeune homme au sujet des traces qu’on voit en effet sur ce mur ?

— Oh ! une simple circonstance, un détail des souffrances endurées dans ces murs pendant la Terreur, et que je vais vous apprendre en deux mots si vous voulez le connaître.

« Madame Kolli et son mari avaient été condamnés à