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les mendiants de la mort

— Eh ! eh ! tout n’est pas perdu, mes amis, dit en souriant le père Corbillard ; nous apprendrons par là à trouver toutes les sottises d’autrui faibles et excusables en comparaison des nôtres.

— Ah ! c’est égal… dit-on, voler de pauvres gens du bon Dieu comme nous ! qui, tout au contraire, ne sommes venus au monde que pour recevoir ce qu’on y donne !

Bah ! il reviendra des œufs dans le nid, reprit Corbillard.

— Les temps sont durs, dit Jean-Marie ; on ne donne guère maintenant… Dieu vous assiste… et puis on passe son chemin.

— Eh bien, ingrat, reprend le philosophe, crois-tu donc que le vœu fait pour nous ne vaille pas une obole ! Ce don-là va droit au trône de Dieu, et personne ne peut nous le voler.

— À la bonne heure, reprit-on en larmoyant ; mais ce Corbeau a fait une affreuse chose !

— Il aura bien à s’en repentir dans l’autre monde !

— Oh ! oui ! Dieu le punira !

— Espérons-le, Dieu le punira !

Une voix plus fraîche, plus sonore, se fit entendre, et répondit à ces mots :

— Il ne faut pas attendre Dieu, quand on peut se faire justice soi-même.

C’était Robinette, qui, arrivant d’un pas léger au milieu du brouhaha, n’avait pas été remarquée. Elle était même accompagnée de Pierrot, son page fidèle ; et tous deux, restant derrière le cercle des mendiants, avaient assisté à ce qui venait de se passer.

— Tiens ! dit-on de tous côtés, c’est elle ! notre bonne petite Robinette !

— Oui, mes amis, vous voyez que je n’ai pas désappris le chemin du Trou-à-Vin.

— Et nous dirons toujours : Sois-y la bien-venue !

— Oui ! oui ! honneur à notre jolie fille, la perle de céans !

— Son retour parmi nous nous portera bonheur.

— Sa vue nous fait déjà oublier nos chagrins.

— Non pas, mes camarades, dit Robinette, il ne faut pas les oublier, mais bien y penser, au contraire… nous verrons cela !

— Viens donc te mettre à table… Nous boirons tous à ta santé.