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les mendiants de la mort

— Ah ! ah ! dit-elle, c’est comme ça !… le père Corbeau a de l’argent et peut donner des deux mille francs à la fois… Eh bien ! j’irai lui en demander aussi, moi… Il faudra bien qu’il m’en donne quand je dirai que c’est pour sauver Pasqual… notre ami à tous, notre frère !… Et, alors, je jure par ces vieilles murailles, pour que mon serment soit fort et solide comme elles, je jure que quand Pasqual passera le seuil de cette porte, ce ne sera qu’avec moi.


XX

le mendiant richard

Peu de temps après cette soirée, il y avait une réunion de mendiants au Trou-à-Vin. C’était un des lundis où toute la société devait se rassembler, et les principaux personnages de cette population se trouvaient en effet à la taverne, excepté le président Corbeau, retenu chez lui par une des infirmités de son âge.

Un froid très-vif régnait au dehors : la neige qui tombait devant les vitres pâlissait la lumière du jour. Quoique l’assemblée fût au grand complet, le repas était peu animé. L’hiver était long et dur, les aumônes devenaient plus restreintes, l’appareil de chaque festin devait s’en ressentir, la bonne chère diminuait visiblement et la gaieté suivait le même cours.

L’heure du repas s’écoulait donc lentement, au milieu de l’entretien que fournissait d’un ton assez languissant le vaste cercle des convives. Dans une partie de la salle, on voyait entassés, comme à l’ordinaire, les accessoires de la mendicité. Mais il y avait là une foule d’instruments et de lanternes magiques qui tombaient en ruine faute de quelques réparations ; les chiens, les singes savants étaient maigres, efflanqués et mal vêtus ; les enfants, plus abandonnés que d’ordinaire, élevaient leurs cris plaintifs au-dessus du peu de rumeur joyeuse qui régnait dans le repas.

Vers la fin du dîner, Jupiter arriva.

Le nègre avait réfléchi à cette circonstance étrange, d’une somme d’argent demandée par Pasqual au vieux donneur d’eau bénite, avec la certitude de l’obtenir. Il ne savait rien, ni des relations de Pasqual et de Corbeau, ni de la manière dont celui-ci pourrait satisfaire aux désirs du