néreux, nous en voyons des milliers d’une sécheresse désespérante… Ah ! monsieur, permettez-moi de me féliciter en me trouvant en présence d’une de ces rares exceptions, en présence du fils le plus sensible, le plus respectueux, le plus…
— Monsieur, vous êtes bien bon… mais je ne devine point.
— Pardonnez-moi, monsieur, vous allez me comprendre ; je ne m’exprime point ainsi par misanthropie, mais je suis simplement révolté contre l’humanité. Naturellement mélancolique, je me plais aux tristes spectacles, je contemple avec une étrange volupté les lugubres tableaux : un enterrement, par exemple, m’attire. C’est là où je me suis formé l’opinion dont j’avais l’honneur de vous faire part. Ah ! monsieur, dites-moi, n’est-on pas frappé de l’insouciance, de la légèreté indécente peinte sur la figure de ceux qui accompagnent à leur dernière demeure une mère, une épouse, un parent, un ami ?
— Cela peut être, monsieur… mais….
— Moi, et quelques autres hommes dévoués au bien de l’humanité, nous avons songé à sauver au moins les apparences dans ces occasions solennelles ; et toujours de plus en plus révoltés de ce qui se passait sous nos yeux, nous avons formé une compagnie qui ne tend à rien moins qu’à réhabiliter le siècle avec garantie de tous les gens de bien.
— Que voulez-vous dire ?
— Nous sommes larmifuges.
— Je ne comprends pas…
— Nous n’avons guère de mérite, au surplus, puisque par tempérament, ainsi que j’ai eu l’honneur de vous le dire, nous sommes portés à goûter le lugubre ; mais enfin nos efforts, quelle qu’en soit la source, ont d’heureux résultats.
— Enfin, expliquez-vous.
— Je suis venu près de vous pour obtenir l’autorisation d’assister au service qui aura lieu en l’honneur de madame votre mère.
— Monsieur, c’est une démarche à laquelle je ne puis qu’être sensible, bien que…
— Tous les hommes sont frères devant la mort. Je suis bien loin de douter de vous, monsieur, de votre attitude respectueuse ; je crois que la tristesse se lira sur toute votre personne. Mais, hélas ! si vous n’êtes pas le seul, bien