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les mendiants de la mort

— J’ai quitté d’aujourd’hui mon bel appartement… où on a tout vendu… et je n’ai pas un grenier où coucher ce soir.

— Et ça ne vous tourmente pas ?

— Non… Tiens, Pierrot, il faut que je te dise la vérité… Je sens que je devrais être bien triste, bien désolée, et avec ça je ne peux parvenir à me faire du souci.

— Et le beau monsieur ?

— Hum… je ne l’aimais guère.

— Vrai !…

— Si vrai que j’aurais toujours préféré Pasqual s’il avait voulu répondre à mon amour.

— Et il ne voulait pas… Ah ! pristi… il me semble que si j’étais grand !… Et l’avez-vous revu, ce Pasqual ?

— Non… quoiqu’il fût au service de M. de Rochedoise, il évitait de venir chez moi… Une fois je lui ai écrit… mais ma lettre s’est perdue, et je n’ai pas voulu recommencer… ça m’avait donné trop de peine… Pauvre Pasqual, le voilà aussi sur le pavé !

— Mais vous… vous ?

— Moi, comme je te le disais, je ne peux m’appesantir sur ma situation… et, quoique je sois sans un sou vaillant, aussi bien que sans feu ni lieu, je me sens le cœur plus content que jamais.

— Eh bien ! mademoiselle Robinette, vous avez raison, car la Providence vient à votre secours.

— La Providence… qui ça ?

— Moi.

— Ah bah ! Pierrot.

— Parole d’honneur… Tandis que vous parliez, moi je réfléchissais… D’abord, pourrai-je vous offrira dîner… une portion de pommes de terre frites, comme les miennes ?

— Ce n’est pas de refus ; elles ont l’air joliment bonnes.

— Et puis, à table, nous causerons. Je vais vous faire servir.

Robinette prit place sur les degrés de la fontaine ; Pierrot lui fit part du dîner à un sou ; il partagea son pain avec elle, et ils burent tous deux dans le même verre.

— Maintenant, reprit le petit marchand, voici ce que j’ai arrangé dans ma tête. J’ai un logement pour moi et pour mes oiseaux, qui est à un septième. Il faut un peu monter, mais les oiseaux sont accoutumés à demeurer très-