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les mendiants de la mort

— Éh non ! madame, il ne s’agit pas de cela, dit le nouveau venu en parlant plus haut, car il trouve qu’il est temps de se faire entendre à son tour. Je suis huissier, j’accompagne ici le commissaire-priseur, car vos meubles sont saisis, et on va les vendre.

— Vendre mes meubles ! s’écria Robinette en pâlissant.

— Tout ce qui est ici appartient au sieur de Rocheboise, reprend l’huissier, ainsi qu’il est prouvé par le bail de l’appartement fait en son nom, et par les billets à sa signature donnés en paiement aux tapissiers, ébénistes, miroitiers, etc… Le sieur de Rocheboise est insolvable… nous faisons vendre ici au nom de ses créanciers… Comprenez-vous, enfin ?

Robinette n’a pas le temps de répondre ; des cris de terreur s’élèvent de tous côtés.

— On va vendre ici !… juste ciel ! on va vendre. Car cette vente par autorité de justice est l’effroi continuel, le fantôme familier de ces dames, dont la maison est si fragile qu’elle peut à chaque instant manquer sous leurs pas.

Elles jettent des exclamations bien plus douloureuses lorsque l’autorité au cœur de marbre, après avoir fait débarrasser la table des vases de fleurs, des bouteilles vides, choisit pour premier objet à mettre à l’enchère la riche corbeille de loterie qui devait être leur partage…

Les cachemires, les bijoux, auxquels ces dames tiennent comme à elles-mêmes, vont être donnés au plus offrant.

Cependant les hommes de peine déménagent les banquettes de bal, montent aux fenêtres, aux lambris, pour enlever les rideaux, les tentures, ébranlant les meubles dans toute l’étendue de l’appartement.

Les musiciens, désolés de leurs airs de quadrilles jetés en pure perte, s’enfuient en serrant leurs instruments entre leurs bras.

Les femmes, saisies d’une peur légitime, tremblent qu’on ne ramasse leurs pelisses, leurs fourrures avec les effets à jeter en proie à la justice, se croisant, se querellant avec les manœuvres, elles courent après leurs éventails, leurs mouchoirs, et dans leur trouble extrême emportent jusqu’à leurs bouquets.

Puis, les dames, les jeunes gens s’élancent au dehors, tandis que la foule des marchands, des revendeurs, s’engouffre dans l’hôtel… Ainsi, des arbustes fleuris ont été