gaie, d’une humeur si joviale, et qui se peignait si bien sur ses traits ronds et égrillards, que, malgré tous les avantages dont il jouissait pour cela, il ne pouvait parvenir à éveiller la pitié des passants ; si bien qu’après les meilleures occasions de faire recette, dans lesquelles les mendiants se trouvaient réunis, ce bonhomme-là était souvent obligé de venir tendre le chapeau à ses confrères. Par antiphrase, sans doute, il se nommait Corbillard.
— Ohé ! rangez-vous donc, les autres… voilà la noce qui va venir, disait d’un air hautain et dédaigneux, à la foule des mendiants, le borgne à jambe de bois dont nous avons parlé !
— Il n’y a pas de danger, Pasqual, répondit une vieille camarade qui arrivait en clopinant ; tant que le père Corbeau (elle désignait le vieillard à la tête de Satan), tant que le père Corbeau ne sera pas à son poste, à côté du bénitier, et le goupillon à la main gauche, c’est que rien ne presse.
— Pasqual n’est pas si bête, dit Corbillard, le gros réjoui porté sur son échafaudage : il voudrait faire reculer les autres pour se trouver au premier rang.
— Oh ! qu’il n’a pas besoin de ça, répliqua la même interlocutrice ; Pasqual sait d’autres moyens pour faire tomber l’aumône dans sa poche…
— Et lesquels, s’il vous plaît ? demanda celui dont on parlait ainsi.
— Je n’en dis pas de mal… quoiqu’ils soient peut-être moins chrétiens que de tendre la main.
— Tiens, la mère Jacquart qui croit encore à la sorcellerie ! dit Pasqual.
— Et toi, si tu en doutes, pourquoi donc est-ce que tu perches chez une tireuse de cartes de la rue Saint-Jacques ?
— Cette bêtise !
— Tu as une singulière manière de dire cela, Pasqual, et qui ne te défend pas du tout.
— Vieille folle !
— Allons, allons, la paix ! dit Corbillard.
Puis, continuant à parler à la vieille boiteuse, et prenant par la main la jolie petite mendiante que nous avons signalée, il ajouta :
— Savez-vous, madame Jacquart, que votre fille Robinette engraisse sans savoir ce qu’elle fait, et va devenir toute ronde ?