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LES MENDIANTS DE PARIS

diverses expressions de la même voix !… Il ne sait quel nom il doit donner à la séduisante créature qui est devant ses yeux.

Absorbé par ses émotions, il reste appuyé contre le chambranle de la porte ; il y resterait toujours, si la jeune fille, voulant bien enfin paraître s’apercevoir de sa présence, ne se levait pour venir à lui.

Aux premiers mots prononcés par elle, le trouble d’esprit d’Herman se dissipe, il retrouve mademoiselle Hélène Hubert, la séduisante quêteuse.

Robinette avait l’instinct d’imitation très-développé, comme beaucoup de jeunes filles du peuple, auxquelles il suffit presque de leur inspiration pour faire d’agréables comédiennes. Le reflet des personnes qui rapprochaient venait s’empreindre sur elle, de façon à modifier son ton et ses manières : étourdie, tapageuse, vulgaire avec les siens, elle savait, en face des gens de haut parage, montrer elle-même quelques airs comme il faut. Elle se tira donc assez bien du premier compliment adressé à M. de Rocheboise.

Ensuite elle le remercia avec politesse de la manière généreuse dont il avait répondu quelques jours auparavant à l’appel fait à sa charité, et de ce qu’il voulait bien encore penser à elle.

— Mademoiselle, dit Herman, je suis heureux du prix que vous voulez bien attacher à un acte de bienfaisance très-léger, puisque ce souvenir doit servir à vous faire agréer ma visite. Elle est d’ailleurs amenée, se hâta-t-il d’ajouter, par l’intérêt que m’inspire le devoir que vous vous êtes donné à remplir auprès des enfants abandonnés, et l’espoir de pouvoir vous aider dans cette pieuse mission.

— Comment, monsieur, vous seriez assez bon…

En prononçant cette demi-phrase, Robinette indiqua de la main à M. de Rocheboise le fauteuil d’honneur, et s’assit à quelques pas de lui.

Herman embrassa d’un regard rapide la figure de cette jeune fille et le cadre qui l’entourait, et qui offrait comme elle-même un mélange curieux à observer.

Mademoiselle Hélène, la tête nue, et parée de ses beaux cheveux, portant une robe de toile brune et un petit fichu croisé sur sa poitrine, n’appartenait précisément à aucune classe, si ce n’est à celle des jolies femmes. Elle était dans un logis vulgaire, avec quelque apparence de recherche,