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LES MENDIANTS DE PARIS

— Là !… Quand je le disais !… s’écria madame Jacquart, le visage empreint d’une ignoble joie.

— Voyez un peu cet imbécile de Pasqual qui m’écrit de faire des coquetteries à un autre, quand je me tue à lui dire que je suis amoureuse de lui ! s’écria en même temps Robinette. Et vous me direz que ce n’est pas vexant !

Puis elle arracha la lettre et la jeta par terre en tempêtant.

— Voulez-vous vous taire, mademoiselle ! reprit la prévoyante mère. Pasqual est un brave garçon qui se conduit bien à votre égard et que vous devriez écouter.

— Mais qu’est-ce qu’il veut dire, que ce serait un grand bonheur pour tous ?

— Pardieu ! il pense que si tes moyens devenaient conséquents, tu lui paierais son bon avis.

— Si j’étais à la place de mam’zelle Robinette, dit le petit marchand, je lui jetterais mon sabot à la tête, à ce Pasqual, pour le remercier de ses conseils ; je ferais la nique au beau monsieur…

— Et puis ?

— Et puis je prendrais un état bien huppé et vertueux, qui me ferait vivre de mon travail. Une position indépendante, ajouta-t-il en frappant sur son petit sac de toile : il n’y a que ça pour faire bonne figure dans ce monde et bonne fin.

Là-dessus, il s’éloigna en reprenant sa petite chanson : Hanneton, vole, vole, vole

— Oui, oui, murmura madame Jacquart, et pour rester dans la misère… Allons, ma fille, songe au bonheur qui peut t’arriver, et tâche de le mériter… Mais partons, ma sœur, le second coup de vêpres est sonné… Tandis que nous jasons là, le monde entre à l’église, et c’est autant de perdu.

— Restez avec moi, ma tante, dit Robinette d’un petit air langoureux en se penchant au cou de mademoiselle Rose. Vous m’apprendrez à lire les lettres de Pasqual.

— Hélas ! mon enfant, pour ce qu’il t’écrit, ce n’est guère la peine.

— C’est égal, restez là… vous pouvez bien vous passer d’aumône pour un jour.

— Il est vrai… Dieu merci, je n’attends pas après… Mais la parole de Dieu, ma fille, on ne peut jamais s’en passer… Et puis, en me rendant à l’Abbaye, il faut que