Page:Robert - Les Mendiants de Paris, 1872.djvu/54

Cette page a été validée par deux contributeurs.
50
LES MENDIANTS DE PARIS

que Jupiter, a été beaucoup riche, puisqu’il s’est amusé beaucoup,

— Comment se fait-il qu’on te voyait déjà de ce temps-là rouler sur le pavé avec nous ?

— Le pain que moi demandais à votre monde, il faisait vivre moi ; le reste, il était pour mon menu plaisir.

— Peste !… trois mille francs par an d’agrément !

— Oh ! je vous dis la vie à moi, elle était alors brillante comme la plume d’autruche, douce comme le melon d’eau.

À chaque parole du nègre, Herman écoutait avec plus d’attention, et serrait le bras de son ami pour qu’il demeurât immobile près de lui.

— Une vie brillante comme un melon, ça t’allait bien, vilain mauricaud, dirent ses compagnons.

— Vilain ! moi être plus beau, que vous tous, dit le nègre avec une contorsion de colère qui rendait ses prétentions d’autant plus exorbitantes.

— Allons donc !

— Dites, reprit le Cafre, dites combien coûte à vous l’habillement que vous avez sur le dos… Oui, oui… moi veux savoir.

— C’est facile à compter, répondit le père Corbeau en rallumant sa pipe.

— Je vous aiderai, moi, dit le petit marchand de hannetons. Je m’y entends… dans le commerce, nous devons savoir compter. Et il se mit à fumer à l’unisson du maître mendiant.

— D’abord, reprit Corbeau, la chemise huit sous par mois… Oui, c’est cela. Je l’achète dix sous au Temple, je la porte un mois, et après, la marchande m’en redonne deux sous.

Huit sous, posa Pierrot sur son-addition.

— Le pantalon… toujours au Temple… trente sous et dix en plus pour y faire mettre des pièces…

— Des pièces… quand il est bon.

Nous ne pouvons pas porter des effets sans pièces. J’en fais donc appliquer aux fonds, aux genoux, et toujours de couleur différente pour que ça fasse plus d’effet.

— Huit et trente, trente-huit, calcula Pierrot, et dix de façon, quarante-huit,

— La redingote, trois francs… pour ce prix-là, elle a des trous au coude mais si elle n’en avait pas, j’en fe-