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LES MENDIANTS DE PARIS

— Mais non, dit-il, c’est impossible : elle n’a pas ainsi changé d’apparence et de condition en quelques jours… Et puis, je ne sais où je prenais cette idée, car celle-ci est infiniment plus belle… Voyons un peu ce qu’elle vient nous dire, la charmante petite personne.

Pendant cet aparté, Dubreuil avait machinalement refermé la porte du balcon, sur laquelle étaient retombés les rideaux, et avait avancé un siège à la quêteuse. Herman alla se placer en face d’elle pour continuer le cours de ses observations et ne rien perdre d’un coup d’œil enchanteur.

La jeune demoiselle se trouvait vis-à-vis de la fenêtre ; l’étroite ouverture des rideaux laissait percer jusqu’à elle un vif rayon de lumière, et sa figure, qui se détachait seule dans ce salon obscur, semblait s’éclairer du propre éclat de sa beauté au milieu des ombres.

Prenant la parole avec beaucoup d’assurance, la petite étrangère annonça d’abord appartenir à la Congrégation de Marie, dont elle montra la médaille suspendue à son ruban bleu. Elle expliqua qu’un certain nombre de jeunes personnes, avec l’autorisation de monseigneur l’archevêque, se vouaient, depuis l’âge de quinze ans jusqu’au moment de leur mariage, au culte de la Vierge ; qu’elles avaient des devoirs de piété à remplir chaque jour ; qu’elles se réunissaient pour chanter des cantiques composés à leur usage, et s’occupaient surtout d’œuvres de charité.

En ce moment, les congréganistes avaient ouvert une souscription, en faveur de la maison des Orphelines établie dans la rue des Postes, et elles s’adressaient aux personnes riches et charitables, dans l’espoir qu’elles voudraient bien coopérer à cette bonne œuvre.

Pendant ce discours mystique, les regards : d’Herman étaient complaisamment attachés sur la jolie quêteuse, qui ne baissait pas les siens.

— Mais vous remplissez là un devoir de charité exemplaire, mademoiselle, s’écria le jeune homme.

— Il est étonnant toutefois que ce devoir vous donne ainsi la liberté de sortir seule, remarqua Léon Dubreuil.

— Nous qui avons le bonheur de posséder une famille, dit la jeune personne en répondant seulement à Herman, il est bien naturel que nous songions à nos sœurs en Dieu, qui sont privées de parents et de tout soutien en ce monde.