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LES MENDIANTS DE PARIS

sont triste compagnie… je les ai appréciés pour la première fois le jour où j’ai songé à vous les consacrer… Oh ! ce jour-là, ajouta-t-elle en joignant les mains, je ne me sentais pas de joie d’être riche.

— Maintenant, nous le sommes, dit Herman en entrant dans la généreuse pensée de sa femme.

— Cependant, reprit-elle, j’ai mis à profit mes derniers jours d’autorité, et usé du temps où je n’étais pas encore en puissance de mari pour faire une acquisition importante.

— En vérité !

— J’ai acheté une maison de campagne que j’aimais.

— Vous me la ferez connaître.

— Vous la connaissez mieux que moi, et c’est pour cela qu’elle m’était chère.

— Comment ?

— Vous ne devinez pas ?

— Non.

— Si cette maison vous avait appartenu ?

— Serait-ce ?….

— Précisément… La jolie propriété du Bas-Meudon… Vôtre père a possédé cette habitation plusieurs années… vous y alliez souvent faire des parties de chasse avec vos amis. Lors du renversement de fortune de monsieur de Rocheboise, la maison a été vendue par les créanciers, elle était encore vacante l’automne passé, et je m’en suis secrètement rendue propriétaire.

— Mais… pourquoi… choisir cette demeure ? demanda le jeune homme avec un trouble que Valentine crut être l’impression d’une excessive délicatesse.

— Je voulais vous la rendre, répondit-elle, pour qu’en vous retrouvant là vous vous crussiez soudain reporté au temps de votre opulente jeunesse, pour que sur un point de la terre, les moments de ruine et de détresse fussent entièrement effacés.

Aux premiers mots de Valentine au sujet de la maison de campagne, Herman avait tressailli, et une légère pâleur s’était répandue sur son visage. Cependant il adressa à la jeune femme quelques paroles de reconnaissance, où la douceur d’accent pouvait remplacer la vérité ; puis il se leva et fit quelques pas dans une partie du salon où il y avait assez d’ombre pour qu’on ne pût remarquer l’altération de ses traits.

Valentine continuait :