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LES MENDIANTS DE PARIS

petit bosquet d’églantiers, où son visage n’était plus exposé aux rayons de la lune, et répondit de la voix la plus calme :

— Sans doute, je ne demande pas mieux que d’entendre une histoire qui peut-être intéressante ; mais ce ne sera pas pour ce soir, car il est bien tard pour vous, ma bonne Jeanne, et il vaut mieux que je vous emmène reposer à votre logis, que de vous laisser entreprendre un récit dont les émotions vous seraient trop pénibles.

Jeanne tenait son regard fixé sur la pierre de la tombe.

— Vous ayez raison, Pasqual, dit-elle d’un ton grave et doux, pas ce soir. Voyez, le jour et le mois inscrits sur ce tombeau sont près de revenir, c’est à l’anniversaire de la double mort marquée par ce chiffre que je dois vous apprendre les événements, qui l’ont amenée.

— Pourquoi choisir cette date ?

— Je ne sais pas vous l’expliquer, mais il me semble que ce jour-là éclairera mieux ma mémoire ; se sera le même instant de l’année, le même air, la même verdure autour de moi : mes souvenirs, seront plus lucides, plus précis, et vous pénétreront mieux.

— Soit, dit Pasqual en fixant à son tour le chiffre mortuaire.

— Jusque-là je ne vous verrai peut-être pas ; mais le soir de ce jour, vous me promettez de revenir ici.

— Je vous le promets.

Après cette réponse, Pasqual et Jeanne quittèrent, le taillis d’églantiers. Ils ne prononcèrent plus un mot pendant leur marche lente sous les arbres de l’enclos et sortirent tous deux du cimetière.


IV

l’hôtel de rocheboise

La matinée finissait ; Herman de Rocheboise et sa jeune femme étaient seuls dans une pièce donnant sur le jardin de l’hôtel.