Page:Robert - Les Mendiants de Paris, 1872.djvu/26

Cette page a été validée par deux contributeurs.
22
LES MENDIANTS DE PARIS

d’une nuance plus pâle, sur lesquels voltigent les papillons de nuit.

Au milieu de ces arbustes est une humble tombe sans inscription, et où sont seulement gravés deux noms.

Jeanne est déjà arrivée dans cet endroit. Assise sur l’herbe, les regards baissés, elle dit son chapelet avec une tristesse calme, étant habituée à venir sous ces ombrages faire sa prière de chaque soir.

Le vol des papillons, le faible mouvement du rosaire de Jeanne, sont également silencieux, et rien ne paraît exister dans cette profonde solitude.

Pasqual arrive du fond d’un sentier rempli d’herbes et tracé seulement par la voûte des arbres.

Avant d’entrer dans le taillis, il s’arrête un moment, comme lorsqu’on laisse apaiser les battements de son cœur avant de pénétrer dans un lieu qui impose ; il secoue la tête et passe la main sur son visage, qui se montre ensuite empreint de fermeté ; de calme et de froideur. Puis il s’avance parmi les églantiers.

— Vous ne m’avez pas oubliée, Pasqual, dit la vieille femme en se retournant au bruit de son pas.

— Je ne le pouvais pas. Vous savez, Jeanne, que j’ai de l’affection pour vous, et aussi pour cet endroit isolé et tranquille.

— Pour moi, oui, c’est vrai. Vous m’avez souvent secourue et toujours protégée contre les mauvais traitements des autres, et ce matin encore…

— Les misérables voulaient vous arracher votre part d’aumônes.

— Ils s’étaient aperçus qu’on m’avait donné une pièce d’or, et m’attendaient derrière l’église pour me la prendre… J’y tenais tant à cette pièce d’or… Oh ! oui, je serai morte avant de la céder… Mais vous n’avez eu qu’a vous mettre devant moi pour les faire sauver… car il vous craignent tous, Pasqual !… Je vois tous les autres trembler devant vous, moi qui n’ai reçu de vous que des marques de bonté.

— Ma pauvre Jeanne, je suis bien aise de vous connaître, puisqu’il en résulte un peu de bien pour vous.

— C’est ici justement, que nous nous sommes rencontrés.

— Oui, dit Pasqual en s’adossant contre le tronc d’un cyprès, où la lueur de la lune se répandait sur son visage. Comme je venais un soir dans ce cimetière, je vous ai