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« À son arrivée à Paris, il avait appris que le comte de Rocheboise venait de quitter son hôtel pour une maison de campagne située près de Meudon, où il passait une partie de l’automne ; mon messager s’était aussitôt rendu à ce domicile, et sa balle sur l’épaule, avait bravement pénétré au salon, où se trouvaient MM. de Rocheboise père et fils. Là, étalant ses marchandises, et présentant au comte, bon gré mal gré, quelques objets de toilette, il avait tenu pendant ce temps ses regards attentivement fixés sur M. Herman.

« Je ne respirais pas, mes yeux interrogeaient avidement le jeune homme.

« — Monsieur Herman, me dit-il, est un peu plus grand que moi, bien pris de taille et d’une figure admirable… Il est… tenez, ma sœur, ajouta-t-il en riant, il est aussi beau que je suis laid… car il n’y a que ma mère au monde qui me trouve beau, la pauvre femme…

« — Mais lui ! lui ! m’écriai-je.

« — Il a une physionomie très-douce… mais en même temps quelque chose de noble et fier… le regard qu’on supposerait à un bon prince. Je le priai de m’acheter quelque chose pour le faire parler ; mais sans jeter les yeux sur mes pauvres marchandises, il me demanda si la journée était bonne pour la chasse. « Ma foi, monsieur, lui dis-je, j’ignore quel temps il fait pour les lièvres, mais pour les hommes il fait furieusement chaud. » Alors il a ordonné, en souriant, au valet, qui se tenait à la porte, de me donner une bonne bouteille de vin a mon départ, et bientôt après je me suis retiré. »

« J’écoutais, je contemplais le jeune marchand avec extase… je croyais recueillir sur ses traits le regard que Herman y avait laissé tomber ! il semblait qu’il m’apportât quelque chose de mon fils…

« Je lui fis encore mille questions.

« Il répondit de manière à satisfaire mon ambition de mère, quelque exigeante qu’elle fût. Il me fit aussi une description exacte de la maison qu’habitaient MM. de Rocheboise et du pays où elle était située… Comme il l’avait promis en partant, le jeune homme, inspiré par son bon cœur, avait été au delà de mes vœux et fait plus pour moi que je ne demandais.

« Je rentrai au couvent heureuse et agité. Le récit du colporteur avait allumé en moi, si je puis le dire, une nouvelle passion pour mon fils. Maintenant que je le savais