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« L’abord de cette maison n’a rien de tristement imposant. En passant la grille, on entre dans une cour plantée d’arbres et de fleurs, qui présente à droite la chapelle, à gauche la loge du concierge, au fond le bâtiment de la communauté ; au delà est un jardin réservé aux religieuses. Cet enclos touche à celui des Jésuites, d’où s’élèvent de magnifiques ombrages, et le faîte transparent d’une chapelle couverte en vitraux coloriés.

« Le costume de l’ordre a conservé son caractère primitif : c’est une robe de laine blanche, à longue queue traînante, un voile blanc, et le cœur de Marie, suspendu sur la poitrine par un ruban de laine rouge. On désigne les religieuses de cette communauté, à Nantes, sous le nom de Dames blanches.

« La supérieure, qui avait reçu de moi la confession entière de ma vie, m’accueillit avec une généreuse bonté, et je pris le voile dans ce monastère pour y passer plus de vingt années.

« Je ne vous dirai rien de ce temps : dans le cloître, vingt ans passent comme un jour ; le mouvement de la vie y est dompté par la règle uniforme ; les événements extérieurs n’en franchissent jamais les grilles.

« En apparence, mon existence était la même que celle de mes sœurs ; mais, au fond de l’âme, possédée d’un amour profond, le seul que j’eusse réellement connu, je ne vivais que du souvenir de mon fils.

« J’avais intimement lié sa pensée à la religion, dont les exercices remplissaient notre journée. Je revenais sans cesse au culte de la Vierge Marie. Agenouillée devant son image, je partageais sa tendresse heureuse lorsqu’elle se penche sur le berceau de son fils ; je pleurais avec elle quand elle se prosterne éperdue au pied de la croix. Dans nos prières, je redisais maintes fois les versets où la Vierge mère exalte son amour pour le Christ. Quand arrivaient les grandes fêtes de l’année, seul événement dans le cloître qui marque le cours du temps, je me disais : Mon fils a une saison de plus ; je me figurais ce que cet intervalle de temps avait développé en lui de force et de beauté, et il y avait dans cette rêverie de quoi remplir tout mon jour de fête.

« Si j’avais pu vivre ailleurs que dans ce sentiment et ramener mon intérêt sur moi-même, je me serais trouvée peut-être bien malheureuse dans ma sainte prison.

« Je m’étais cru la vocation religieuse, parce que j’avais