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LES MENDIANTS DE PARIS

Mais il gardait sa contenance digne et calme, le sourire sur les lèvres et la mort dans l’âme.

Cependant une autre personne aussi avait remarqué l’apparition de Pasqual.

C’était Robinette, dont l’œil perçant… ou le cœur ému, si l’on veut bien croire à sa passion malheureuse, avait reconnu son ancien compagnon, dont une élévation subite la séparait depuis quelque temps.

Un regard jeté dans le vestibule le lui avait fait subitement découvrir, mais, à un second regard porté de ce côté, elle n’aperçut plus personne.

Robinette s’avança alors sur le balcon et laissa retomber le rideau derrière elle… Elle se pencha sur la balustrade, essuyant sur son front la sueur de la danse et livrant sa tête au vent de la nuit… Elle vit alors, à la lueur des quinquets placés devant la maison Pasqual descendre le perron, et, au lieu de prendre le passage de sortie, s’enfoncer sous les ombrages du jardin.

Le regard de Robinette s’alluma.

— Une bonne idée ! s’écria-t-elle.

Puis glissant dans sa chambre à coucher, elle prit la lettre-écrite le matin à Pasqual avec tant de verve et de talent, et, furtive, légère, descendit en courant au jardin.

L’occasion de remettre cette épître était extrêmement favorable. La jeune fille fit quelques pas sur les traces de Pasqual, qui s’avançait dans l’ombre des arbres épaissie par la nuit. Alors elle l’entendit murmurer à voix basse des paroles entrecoupées qu’il s’adressait à lui-même. La rêverie de Pasqual lui imposait une sorte de respect qu’elle ne définissait pas ; elle se retira dans un massif de verdure pour lui glisser la lettre lorsqu’il reviendrait sur ses pas.

Un bruissement de feuilles se fit bientôt entendre près de Robinette ; dans le taillis d’arbrisseaux où elle s’était cachée. Mais la jeune fille ne s’occupa point de cette circonstance. Elle avait aperçu en descendant quelques mendiants qui, attirés par les lumières de la soirée, s’étaient réunis à la porte de la maison ; elle crut que l’un d’eux avait pénétré jusqu’à l’entrée du jardin, et n’y pensa pas davantage.

Herman, au bout de quelques instants, crut pouvoir descendre au jardin sans que son absence fût remarquée. Il avait hâte de voir Pasqual ; qui, bien mieux au courant de l’état de sa fortune que lui-même, pourrait l’éclairer sur le plus ou moins de danger de la perte qu’il venait de faire.