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LES MENDIANTS DE PARIS

tillage propre à amuser la jolie maîtresse de maison, et en était satisfait.

Robinette effaçait toutes les autres femmes, en parure comme en beauté ; Herman éprouvait une satisfaction d’amour-propre immense à la voir ainsi brillante et radieuse, souveraine d’une maison où le luxe débordait dans les tentures, les fleurs, les rafraîchissements : cette jeune femme était sa création, son ouvrage.

Il fit donc avec beaucoup d’agrément les honneurs de sa petite maison, et ne passa dans le salon de jeu qu’à une heure avancée.

Les parties avaient alors atteint un chiffre très-élevé, les tables étaient couvertes d’or.

La première veine fut heureuse pour Herman ; il joua avec quelques-uns de ses amis et gagna une somme assez forte. Mais bientôt il vint se placer devant lui, à la table de jeu, le nommé comte de Noirmont, chevalier servant de l’une des dames présentes, et celui-ci jeta sur le tapis vingt pièces d’or pour commencer.

Herman haussa les épaules à cette fanfaronade, et poussa négligemment au jeu la même somme. Il perdit, et dans son impatience, il doubla lui-même l’enjeu. La même chance contraire se renouvela plusieurs fois ; à chaque partie, l’argent perdu attirait sur le tapis, une somme double… Le moment vint de jouer sur parole.

L’air toujours indifférent et dédaigneux, Herman tournait souvent la tête autour de lui, feignant de regarder quelque chose, mais en effet pour montrer à tout le monde que son visage était impassible et riant. Cependant, il souffrait au fond de l’âme ; une perte considérable d’argent l’épouvantait.

Pour la première fois, il éprouvait de ces atteintes subites et cruelles qui changent la situation en quelques minutes ; pour la première fois depuis son mariage, il songeait qu’il était resté pauvre au sein de ses splendeurs ; que des dépenses excessives ne pouvant être soustraites à la connaissance de sa femme, ses folies en ce genre devaient atteindre jusqu’aux fondements de son bonheur.

Les assistants firent des efforts pour arrêter cette extravagante partie. Ils jugeaient bien qu’un bonheur aussi constant tenait moins aux chances favorables de la fortune qu’aux moyens frauduleux que quelques joueurs emploient pour la fixer ; et leur conviction à cet égard