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LES MENDIANTS DE PARIS

— Vous griser… ça me va ! je vous tiens çompagnie… Mais il nous reste quelques instants avant le dîner ; que ferons-nous ?

— C’est vrai !… que ferons-nous ?

— Moi, je n’aime pas à attendre ; je voudrais me distraire… N’auriez-vous pas une idée ?

— Mais… une demi-heure est bientôt passée.

— Si c’est là votre idée, je vous en remercie… Heureusement j’ai plus d’imagination. Laure, dit-elle après avoir sonné, dites au cocher de mettre les chevaux.

— Y pensez-vous ? s’écria Herman avec une certaine terreur. À l’heure qu’il est, vous voulez monter en voiture ?

— Avec vous.

— Et sortir ?

— Dame ! à moins que vous ne me supposiez l’envie de faire une course dans mon salon… comme à l’Hippodrome, n’est-ce pas ?

— Mais, il est si tard !

— Nous avons le temps d’aller jusqu’à la barrière de l’Étoile… Oh mais pour aujourd’hui, je veux qu’on laisse la calèche tout ouverte, ajouta Robinette en se regardant avec admiration de la tête aux pieds.

— Dans ce costume ! s’écria Herman en frémissant sérieusement.

— Ne m’avez-vous pas dit que j’étais charmante ainsi ? Tout le monde nous regardera.

— Je n’en doute pas, reprit Herman pinçant les lèvres.

Heureusement, un domestique qui passait dans l’antichambre comprit un signe de M. de Rocheboise, et, avant que la voiture fût attelée, vint annoncer que le dîner était servi.

Robinette, oubliant tout pour le plaisir de la table, s’élança dans la salle à manger.

Cette petite salle était faite à souhait pour deux personnes. Le service de table offrait une recherche délicate et raffinée ; le vermeil, le cristal resplendissaient de tous côtés : des porcelaines à couleurs voyantes, à figures grotesques, avaient été rassemblées là pour amuser de beaux yeux et flatter des goûts encore enfants.

— Mon Dieu ! disait Robinette assise en face de son amant, et sablant un verre de Malaga, mon Dieu que la vie est heureuse et facile !