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LES MENDIANTS DE PARIS

Là-dessus ils se séparèrent, en recommandant au nègre d’être exact au rendez-vous.


XXIV

chez robinette


Au bout de quelques mois d’installation dans le charmant séjour qu’elle était venue habiter en souveraine, la jolie petite bohémienne était déjà entièrement façonnée à sa nouvelle existence.

De certaines modifications avaient été apportées dans ses manières par le commerce d’un homme distingué, par les relations avec quelques jeunes femmes de son voisinage, habitant comme elle des pavillons cachés sous l’ombrage, surtout par le bien-être de tous les jours et par le luxe qui plie la vulgarité même à une certaine recherche de maintien et de manières.

Mais elle n’avait rien perdu de sa vivacité étourdie, de sa franchise populaire, de ses habitudes d’enfant gâtée, prises en naissant, et qui devaient lui faire exercer toute la vie son libre arbitre et son humeur volontaire ; son langage était encore celui de l’enfant du peuple qui, ayant des mots à son usage pour exprimer ses idées et ses sensations, n’avait jamais songé à y appliquer aucune étude, et ne se doutait même pas d’une élocution meilleure et du prix qu’elle devait avoir.

Robinette se nommait maintenant madame Hermance. Elle avait quitté le nom vulgaire, venu de l’attrait qu’elle éprouvait dès l’enfance pour le robinet d’où s’épanchait sa liqueur favorite, et elle avait féminisé pour son usage le nom d’Herman. Car si la femme légitime prend le nom de famille de celui auquel elle est unie, la maîtresse doit prendre le second de ses noms et le plus familier… du moins cela était ainsi dans les idées de Robinette.

Il était quatre heures du soir. La gracieuse lorette avait encore son peignoir blanc du matin ; sa chevelure, simplement relevée, lui formait par sa seule abondance de splendide couronne. Elle était assise dans une chaise longue, près d’une petite table, sur laquelle étaient posés une écritoire en porcelaine de Chine, des plumes à tube d’or, du papier à vignettes, d’où s’exhalait le plus délicat parfum.