— C’est donc là cette fameuse poule aux œufs d’or ? demande Godois.
— Ça devient intéressant, dit Eustache. Aide-nous, Jupiter, et le ciel t’aidera ?
— Attention donc ! et qu’on délibère gravement, prononce le père Corbeau, qui prenait l’autorité en toute circonstance.
Le nègre se tordait les mains de dépit et grommelait quelque chose entre ses dents :
— Et penser, disait-il, que si moi avoir un pauvre atout… l’as de trèfle seulement… moi avoir mangé le gâteau tout seul.
— Avare ! égoïste ! dit l’aveugle François, n’es-tu pas ému d’une douce satisfaction en pensant que tu partageras avec des frères ?
— Non ! moi bisque, voilà tout.
— On voit bien que tu n’es pas chrétien, reprend le pauvre vieux avec sentiment.
— Là ! là ! pas de complaintes, dit Corbeau ; le secret et l’argent sont à nous tous ; il s’agit d’encaisser… Voyons, Jupiter, faut-il lui rompre les os à ton jeune homme, ou lui arracher les yeux pour qu’il finance ; parle, mon garçon ; tu ne peux travailler seul, on t’assistera.
— Non… pas ça, répond le Cafre.
— Faut-il lui adresser une anonyme avec menace, ou lui donner un rendez-vous d’amour avec une charmante créature et le saisir à la gorge ?…
— Non ! crie Jupiter en se démenant.
— Faut-il ?…
— Moi veux que vous laissiez Jupiter en repos… moi sais bien ce qu’il y a à faire.
— Et pourquoi donc ne l’as-tu pas déjà fait ? demanda judicieusement Jean-Marie, l’homme d’affaires.
— Parce que Jupiter espérait que vous donneriez revanche à lui ; mais vous-êtes tous des vilains et des méchants.
— Tu n’es pas juste, roi de l’Olympe, reprend-on si nous consentions à te donner une revanche, que pourrais-tu mettre maintenant pour enjeu ?
— C’est bon… c’est bon… moi veux bien m’exécuter aussi.
— Et comment t’y prendras-tu ?
— Moi sais ce qu’il y a à faire, vous dis.