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LES MENDIANTS DE PARIS

ce pavillon où nous sommes sera un engagement d’y rester toujours.

La supposition d’Herman, que des liens de cœur pouvaient attacher la pauvre petite indigente à sa première condition rappela à Robinette le souvenir de Pasqual, dont elle se croyait si sincèrement amoureuse, et que dans cette journée d’aventures extraordinaires elle avait complètement oublié.

— Ah ! mon Dieu ! s’écria-t-elle en elle-même, c’est pourtant vrai, mon cœur ne m’appartient plus. Que vais-je faire de mon amour pour Pasqual, pour un garçon de pareille espèce, en devenant grande dame et en demeurant dans cette riche maison.

Cette exclamation intérieure la conduisit à reporter ses regards autour d’elle, et l’éclat des glaces, de la soie, des dorures, l’éblouit, la fascina avec plus de puissance que jamais… Elle ajouta bien vite dans son intérieur :

— Au fait, Pasqual est un ingrat !… qu’il aille au diable avec tous les soupirs inutiles que j’ai poussés pour lui !

Avec son naïf amour, Robinette venait de rejeter loin d’elle sa dernière planche de salut.

— Voyons, dit Herman en se levant, je vais sortir. Si vous voulez monter dans ma voiture, en quelques minutes vous vous retrouverez chez votre mère. Moi, sans me plaindre, sans vous adresser un reproche, je vous quitterai pour toujours et tout ce qui s’est passé aujourd’hui ne sera qu’un rêve… Si vous restez ici, je vous laisse quelque temps vous reposer des émotions de cette journée, et je reviens ce soir… vous dire que je suis le plus heureux des hommes !

Robinette s’était levée aussi. Elle tendit la main à Herman en lui disant avec un long regard tendre et un sourire plein de charme :

— Adieu, monsieur de Rocheboise… à ce soir.

Herman saisit la main qu’on lui offrait avec un vif transport.

— Ah ! dit-il, voilà un adieu bien doux, et qui, au lieu de nous séparer, nous réunit pour la vie.

Rocheboise sortit du pavillon.