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LES MENDIANTS DE PARIS

que je saurai répandre autour de vous, pour que ma pensée soit étroitement liée à votre existence ; c’est goûter une vie sereine, paisible, enivrée seulement de voluptés, pour que j’aie le bonheur de vous l’avoir donnée !

— Jusque-là… c’est facile.

— M’aimer, c’est être près de moi autant que je le voudrai : c’est venir avec moi aux promenades, au spectacle, au bal…

— Au spectacle ! au bal ! nous irons au bal !

— Ou bien vous en donnerez chez vous… et alors vous m’inviterez…

— Mais tout cela !… c’est encore très-facile !…

— M’aimer enfin, c’est me faire entendre votre voix si mélodieuse, si ravissante ! c’est chanter pour moi seul et les ombrages de notre jardin ; c’est être belle pour moi seul, et vous enorgueillir de votre beauté en la revoyant dans l’excès de mon amour.

— Toujours très-facile…

— M’aimer… tenez, c’est bien plus simple, c’est éprouver une faible partie de l’entraînement que je sens pour vous, une seule étincelle de ce feu qui embrasé mon sang quand je vous vois, quand je vous approche !…

— Mon Dieu, comme vous dites cela !… Vous m’aimez donc bien !

— C’est comme une fatalité… délicieuse enfant, je ne sais, quel charme tu as jeté sur moi, mais il me semble que je suis en ta puissance, que tout mon bonheur dépend de toi, que je ne pourrai supporter la vie toute belle et fortunée que le hasard me l’ait faite, si tu ne viens pas y mettre le seul bien que j’envie !… Que m’importe, en effet, la possession de tous ces avantages de rang et de fortune dont la jouissance me laisse froid et inanimé ! Je ne veux que le bonheur dont la pensée seule fait battre mon sein et circuler une douceur enivrante dans mes veines… C’est pourquoi je suis venu apprendre ici ce que tu décideras de mon sort… c’est pourquoi je suis venu te répéter cette question : Veux-tu m’aimer ?

Quoique ce langage fut bien différent de tout ce qu’elle avait jamais entendu, Robinette le comprenait parfaitement : l’instinct lui donnait la clef de cette langue d’amour ; mais quelque, singulier que cela puisse paraître, elle balançait à répondre d’une manière décisive.

La petite bohémienne ne réfléchissait pas certainement ;