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LES MENDIANTS DE PARIS

parterre plein de fleurs, et au delà une petite maison de la plus gracieuse élégance.

Robinette accueillit cette vue avec un frais sourire ; et rassurée comme un enfant qui ne saurait rien craindre de ce qui est beau, se laissa docilement conduire.

Le jardin avait peu d’étendue, mais de jolis massifs d’arbustes en dissimulaient les limites. Le pavillon se composait de deux étages, surmontés d’une terrasse à l’italienne, où de légers ornements de sculpture étaient alternés d’urnes de marbre, dont l’écarlate du géranium faisait ressortir la blancheur. On pénétrait du jardin dans le pavillon par un double escalier à perron, garni d’une rampe de bronze doré. Le vestibule, décoré de colonnettes de marbre vert, conduisait d’un côté à une salle à manger au delà de laquelle étaient une salle de bain et des pièces de service, de l’autre, dans un salon suivi d’un parloir et d’une chambre à coucher.

Robinette, donnant la main à sa compagne, pénétrait dans cet agréable intérieur avec une sensation inconnue et délicieuse ; elle retenait son souffle et osait à peine toucher du pied les moelleux tapis qui se déroulaient sous ses pas.

Elle parcourut ainsi tout le premier étage de la demeure. À l’impression de mollesse voluptueuse qui s’exhalait de tous les objets, ses lèvres roses se mouillaient de sensualité, ses grands yeux ouverts et allumés reflétaient l’éclat des glaces et des dorures, ses narines se gonflaient pour aspirer les parfums inconnus qui flottaient dans l’air… Son cœur battait aussi à la pensée du maître de ce lieu qui allait la recevoir… Elle commençait à penser, sans savoir pourquoi, que c’était un beau jeune homme, et lui prêtait d’avance l’élégance et les charmes dignes du séjour qu’il habitait.

Aussi, en entrant dans le salon, qui était la dernière pièce à explorer, le premier mot de Robinette fut de s’écrier :

— Eh bien !… il n’y a personne !

— Asseyez-vous, mademoiselle, répondit l’impassible Laure ; on viendra plus tard.

Mais la jeune fille, au lieu de se reposer, voltigeait dans tous les coins de cette cage dorée.

Le petit salon n’était que glace, satin et dentelle ; les statuettes, les groupes de marbre épars sur les consoles, les tableaux de chevalet suspendus aux lambris, offraient